Bêtabloquant non sélectif et cirrhose: ami ou ennemi?

Les bêtabloquants non sélectifs que l'on connaît depuis les années 1960 ont fait preuve d’un potentiel intéressant en hépatologie clinique, notamment depuis la publication des résultats de Lebrec et coll. dans le Lancet en 1981, qui montraient l'intérêt du propranolol en prévention des récidives de saignements des varices œsophagiennes. Ce qui a conduit la plupart des experts à faire des bêtabloquants non sélectifs la pierre angulaire du traitement de l'hypertension portale. Ils sont aussi le traitement de référence en prévention primaire et secondaire des saignements de varices œsophagiennes. Au début des années 2000, il est apparu que ces bêtabloquants prévenaient la translocation bactérienne intestinale et probablement aussi le risque d'hépatocarcinome, ce qui a conduit à faire de cette classe thérapeutique l' "aspirine de la cirrhose", tant le bénéfice en survie paraissait important. En 2010 cependant, Krag et son équipe ont attiré l'attention sur le fait qu'ils ne pourraient pas être aussi intéressants qu'imaginé en cas de cirrhose de stade avancé, des patients qui n'avaient pas été étudiés de manière spécifique dans les essais randomisés contrôlés précédents.

Ce sont des études observationnelles et des études de cas qui ont ouvert les yeux sur la possibilité d'une fenêtre d'opportunité limitée aux cirrhoses compensées ou non de stade intermédiaire, sans ascite réfractaire (1). Une des explications à leur effet délétère en cas de cirrhose sévère pourrait être la réduction du débit cardiaque et la chute tensionnelle qui en découle. Dans ce cadre, Aleksander Krag (Odense, Danemark) propose d'éviter les bêtabloquants en cas de cirrhose de stade avancé avec ascite réfractaire et/ou de péritonite bactérienne spontanée, d’altération de la fonction rénale, d’hypotension (< 80mmHg), de score MELD > 20, d’hépatite alcoolique sévère, ou nécessité de dépasser la dose de 80mg/jour. Lorsque ces patients sont sur une liste de transplantation, ils doivent être suivis au moins tous les 3 mois pour tous ces paramètres.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Références
Krag A. Beta-blockers in cirrhosis: to block or not? 27th Belgian Week of Gastroenterology. 25-28 février 2015.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article