Greffe de pénis en Afrique du Sud : ce que l'on sait aujourd'hui

Le professeur van der Merwe

Le Cap, le lundi 16 mars 2015 – Une équipe de chirurgiens chinois avait rapporté en septembre 2006 dans la revue European Urology les résultats contrastés d’une première greffe de pénis, réalisée chez un homme de 44 ans, victime d’une amputation accidentelle. Le greffon avait été prélevé chez un donneur décédé de 22 ans et la réimplantation avait eu lieu au cours d’une intervention ayant duré 15 heures. Dix jours après l’intervention, une vascularisation "normale" était obtenue et la fonction urinaire était rétablie. Cependant, le patient ne parvint jamais à accepter ce nouveau membre, qui entraînait également des changements trop profonds dans ses rapports avec son épouse : le couple décida quinze jours après la transplantation de demander l’ablation du greffon.

Un protocole approuvé il y a cinq ans

Cette première tentative ne dissuada cependant pas plusieurs équipes dans le monde de poursuivre leurs travaux et recherches dans ce domaine. Ainsi, en 2010, le département de chirurgie reconstructive de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud obtint l’autorisation de débuter un essai clinique, devant compter dix patients, en vue d’évaluer la faisabilité et l’efficacité de transplantations péniennes. Cependant, faute d’avoir pu trouver un donneur, cette étude n’avait pu débuter. Finalement, le 11 décembre dernier, une famille a accepté de faire don non seulement de plusieurs organes vitaux, mais également du pénis d’un jeune homme en état de mort cérébrale. Le pénis a été greffé par l’équipe d’André van der Merwe, chef du département d’Urologie de l’université de Stellenbosch assisté de Franck Graewe, responsable de l’unité de chirurgie reconstructive, à l’hôpital Tygerberg du Cap, à l’occasion d’une intervention ayant duré neuf heures. Les chirurgiens se sont largement inspirés des techniques de réimplantation développées ces quinze dernières années qui peuvent parfois être proposées dans certains cas d’émasculation, lorsque l’état de l’organe permet d’envisager une telle intervention.

Plus de 250 amputations du pénis chaque année en Afrique du Sud

Trois mois après l’intervention, les équipes de l’hôpital de Tygerberg sont elles-mêmes étonnées de la rapidité de récupération du jeune homme : il a recouvré ses fonctionnalités urinaires et reproductives précise en effet un communiqué. Des érections ont  notamment été obtenues, même si le patient n’a pas encore pu retrouver toutes ses sensations sexuelles. Cette intervention dont de plus amples détails devront être donnés dans le cadre d’une publication scientifique, qui permettra notamment d’en savoir plus sur les résultats à court terme de cette greffe et sur le protocole anti-rejet établi, semble en tout état de cause confirmer l’excellence chirurgicale des équipes d’Afrique du Sud.

Il faut dire de plus que le pays est particulièrement sensibilisé à la question des émasculations. En effet, en Afrique du Sud se pratiquent encore régulièrement des circoncisions tardives (à la fin de l’adolescence) dans le cadre de rites traditionnels où les risques infectieux et chirurgicaux sont loin d’être maîtrisés. On estime ainsi que plus d’une cinquantaine d’amputations péniennes doivent être réalisées chaque année en raison de telles pratiques dans la région du Cap et jusqu’à 250 dans tout le pays. Le patient des professeurs van der Merwe et Graewe avait d’ailleurs lui-même été la victime de ces pratiques dangereuses. « Il y a un besoin plus grand de ce type d’opération en Afrique du Sud que n’importe où ailleurs dans le monde » a assuré André van der Merwe.

Cultiver des pénis en laboratoire

Si les patients pouvant nécessiter ce type de greffe pourraient ne pas être si rares, la difficulté de trouver des donneurs est pour sa part plus importante encore que pour de nombreux autres organes. Pour pallier cette difficulté, la solution pourrait être de cultiver des pénis en laboratoire. C’est cette piste qu’explore le Wake Forest Institute for Regenerative Medicine, en Californie dont les travaux prometteurs, notamment, sur des lapins avaient été très remarqués l’automne dernier.

Aurélie Haroche

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