Paris, le mercredi 18 mars 2015 – Nombreux ont été les commentaires ces derniers jours évoquant l’entrée de la Syrie dans sa cinquième année de guerre : un conflit qui a déjà tué plus de 215 000 personnes selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. La dégradation de la situation sanitaire parallèlement à la progression du conflit a été évoquée à plusieurs reprises. Dans un pays où la médecine était considérée comme de bonne qualité, les populations se sont vues privées de médicaments essentiels, de vaccins et du matériel médical de base. En outre, dans de nombreuses villes assiégés, la prise en charge des blessés se fait dans des conditions insupportables, mettant continuellement en péril la vie des médecins et des soignants, dont la neutralité n’est jamais respectée et qui sont contraints d’officier dans des hôpitaux clandestins.
Quand l'Afghanistan devient un exemple !
Présente dans de très nombreux pays du monde agités par des conflits, Médecins sans frontières (MSF) parvient dans la très grande majorité des cas à obtenir de la part des belligérants l’assurance du respect de leurs équipes. La présidente de l’organisation cite comme exemple le cas actuel d’un centre de traumatologie dans le nord de l’Afghanistan dans la ville de Kundunz. « Des combattants blessés sont (…) à côté d’anciens ennemis ou de civils. Les collègues afghans et le personnel expatrié dans l’hôpital sont acceptés par tous les groupes dans cette région disputée du pays. Des conditions de travail en toute sécurité et la non ingérence dans les activités médicales ont été négociées avec tous les acteurs au conflit, y compris le gouvernement afghan, la direction des Talibans (Emirat islamique d’Afghanistan) et les FIAS (Forces internationales d’assistance à la sécurité) dirigées par les Américains ». Pour Joanne Lieu qui vient de signer une tribune sur la situation en Syrie, ce centre « est un exemple de l’aide que MSF devrait pouvoir apporter à la population en Syrie ».
Un "accord" rompu avec l'Etat islamique
Mais en Syrie, l’aide humanitaire est impossible, ce qui constitue un « échec inacceptable » aux yeux de Joanne Liu. Dans ce texte, elle retrace les différentes étapes de l’intervention de MSF en Syrie depuis le début de la guerre. Elle rappelle que l’organisation n’a jamais pu obtenir l’autorisation du gouvernement de travailler dans le pays. Cependant, en 2013, elle est parvenue à négocier avec les groupes de l’opposition et a pu mettre en place « six hôpitaux » dans les zones qu’ils contrôlaient. Au moment de l’arrivée de l’état islamique à la mi 2013, de nouveaux accords ont été établis avec ce dernier. Ces accords ont totalement volé en éclat avec la prise en otage en janvier 2014 de treize membres de MSF, dont cinq expatriés qui ont été retenus en captivité pendant cinq mois. Cet "incident" majeur a conduit MSF à décider le retrait de ses équipes expatriées et « la fermeture des structures médicales de MSF dans les zones contrôlées par l’Etat Islamique ». Depuis lors, l'action de MSF se limite quasiment uniquement à un « soutien à des réseaux de médecins syriens dans leurs efforts menés sans relâche pour soigner les patients ». D’une manière générale « nous n’avons jamais été en mesure d’apporter une aide directe à la majorité des Syriens piégés au cœur du conflit » relève Joanne Liu.
Nous devons faire plus
Pourtant, aujourd’hui, la Syrie est victime d’une authentique catastrophe sanitaire, dont la présidente de MSF ne décrit que rapidement les contours. Elle remarque notamment que des milliers de professionnels de santé ont été tués, pris en otage ou déplacés et souligne : « Alors que le nombre de médecins travaillant à Alep, la deuxième ville du pays était estimé à 2 500 avant le conflit, moins d’une centaine sont aujourd’hui présents dans les hôpitaux encore opérationnels de la ville ».
Aujourd’hui, MSF implore : « L’aide la plus élémentaire est refusée au peuple syrien et le monde ne peut pas continuer à détourner les yeux. Nous pouvons et nous devons faire plus ».
Aurélie Haroche
