Le Roundup de nouveau dans l’œil du cyclone

Genève, le lundi 23 mars 2015 – Dans le monde des herbicides, le Roundup est une véritable star ; sa notoriété, au-delà même de la sphère agricole et des jardiniers professionnels et non professionnels, confirme son statut. Statut qui n’échappe pas à de nombreuses controverses. L’agent principal du Roundup est le glyphosate auquel est ajouté un tensioactif. La renommée du Roundup, commercialisé à partir de 1974 par Monsanto (avant qu’en 2000, le brevet expire et que d’autres fabricants puissent à leur tour le proposer) tient à sa grande efficacité, à sa facilité d’utilisation et son faible coût. Trois atouts qui en ont fait l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Si l’apparition de mauvaises herbes résistantes au glyphosate aurait pu ternir ce succès, le développement d’OGM résistants au glyphosate depuis la fin des années 90 lui a offert une nouvelle popularité.

Omniprésent

Comme pour tous les herbicides et pesticides, la toxicité du Roundup a été évoquée de longue date. La question est d’autant plus importante qu’en raison de son utilisation très répandue, le glyphosate est présent, bien qu’en faible concentration, dans l’environnement et notamment dans l’eau (bien qu’il fût originellement considéré comme « non soluble »). Ainsi, en 2006, une étude de l’Institut Français d’Environnement (IFEN) mettait en évidence que le glyphosate et l’AMPA son produit de dégradation étaient les substances les plus fréquemment retrouvées dans les eaux françaises, comme le signale l’article de Wikipedia consacré au glyphosate.

Un produit très surveillé

Cette omniprésence et certaines études sur l’animal suggérant une toxicité de ce produit (qui affecte le mécanisme de division cellulaire) ont alerté les autorités sanitaires du monde entier depuis de nombreuses années, mais aussi les associations écologistes, qui sont nombreuses à militer pour le retrait du Roundup. En 1985 déjà, l’Agence américaine de protection de l’environnement avait même classé le glyphosate parmi les produits « cancérogènes possibles chez l’homme », mais s’était finalement rétractée six ans plus tard. En France, la question de la toxicité du Roundup a récemment donné lieu à une décision du Conseil d’Etat à l’encontre du ministère de l’Agriculture. La haute juridiction administrative a en effet annulé le refus d’abrogation de l’autorisation du Roundup Express, estimant que les évaluations étaient insuffisantes pour motiver l’orientation de cette décision. Le ministère de l’Agriculture devrait prochainement présenter les résultats de son réexamen de la demande d’abrogation formulée par l’association Générations futures.

Le vieil argument du café

Le choix de l’agence du cancer de l’Organisation mondiale de la santé (IARC) pèsera-t-elle sur cette décision ? Ce vendredi, l’IARC a en effet annoncé le classement du glyphosate parmi les substances « cancérogènes probables » pour l’homme. Les experts indiquent notamment qu’il existe des « preuves limitées » d’un risque accru de développer un lymphome non hodgkinien chez les sujets exposés durablement au glyphosate. Pour arriver à de telles conclusions, ils se sont fondés sur des travaux menés chez des populations agricoles aux Etats-Unis et au Canada, sur des expérimentations animales et avouent également s’être basés sur les études qui au début des années 80 avaient nourri le doute chez les responsables de l’Agence américaine d’environnement. L’ancienneté de ces travaux a facilité les critiques de Monsanto, qui dans un communiqué ce week-end a mis en doute la pertinence de cette évaluation, estimant qu’il n’existait pas de données scientifiques nouvelles. Par ailleurs, à l’instar de tous les industriels épinglés par l’IARC par le passé, l’entreprise a eu tôt fait de rappeler que ces experts avaient pu considérer comme cancérogène une substance telle que le café.

Des spécialistes partagés

Les scientifiques du monde entier demeurent partagés face à cet avis de l’IARC. Certains estiment, comme le reconnaissent d’ailleurs les membres de ce comité, que les preuves « avancées apparaissent bien minces », tel le Docteur Oliver Jones de l’Université de Melbourne. D’autres au contraire, jugent que cette position de l’IARC doit inviter les autorités sanitaires du monde entier à de nouvelles évaluations. Soulignons que parallèlement à son avis sur le glyphosate, l’IARC a jugé cancérogènes probables les insecticides malathion et diazinon. Les insecticides tétrachlorvinphos et parathion, objets d'interdictions ou de restrictions dans plusieurs pays, ont pour leur part été classés cancérogènes "possibles".

Aurélie Haroche

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