
Paris, le mercredi 15 avril 2015 - Qui a dit que les médecins étaient en opposition systématique vis à vis de Marisol Touraine et refusaient d'entendre toutes ses suggestions ? Avant même l'adoption de la Loi de santé, certains praticiens semblent prêts à "entendre" certaines de ses préconisations en particulier la constitution de « communautés territoriales » (destinées selon le texte de la Loi à assurer l’accès aux soins, notamment dans les régions concernées par une certaine désertification médicale). C'est ainsi que déjà, le Syndicat des médecins libéraux (SML) assure que « Des comités de défense des territoires se sont créés... pour empêcher la loi d’entrer en application chez eux », comme le signalait hier le patron de l’organisation, le docteur Eric Henry, cité par le Quotidien du médecin ! Hier également, les représentants des praticiens annonçaient tous la préparation d’une nouvelle vague de contestation, alors que la loi de santé venait d'être votée en première lecture à l’Assemblée nationale.
Déconventionnement : le retour
Comme souvent dans ces moments de tension les plus marquées avec le pouvoir, l’arme du déconventionnement est brandie. Dans les colonnes d’Atlantico, le président de la Fédération des médecins de France (FMF), Jean-Paul Hamon assure que « Des cellules de déconventionnement ont déjà commencé à se créer en Bretagne ou dans la région de Tarbes où 70 médecins ont préparé une charte de solidarité pour désobéir à la loi. Des initiatives similaires se préparent en Normandie ». Souvent utilisé comme une menace, le déconventionnement est dans les faits rarement mis à exécution, même si quelques poignées de praticiens ont pu par le passé aller jusqu’au bout. Le retour de cette méthode de contestation signe en tout état de cause le niveau d’exaspération des praticiens, qui bien que peu surpris par le vote de la loi, ont ressenti cette étape majeure comme un nouveau signal de la nécessité d’agir et comme la confirmation du "mépris" des pouvoirs publics à leur égard.
Désobéissance : MG France ouvre la marche avant même l’adoption définitive de la loi
Ainsi, outre le déconventionnement, des actions aux multiples formes se préparent. Manifestant aux abords de l’Assemblée nationale hier matin, les représentants du Bloc, du SML, de la FMF et de la très active Union française pour une médecine libre (UFML) indiquaient se préparer à un « blocage sanitaire » national. Sur la forme que pourrait prendre ce blocage, les idées sont diverses. L’UFML ne semble en exclure aucune, évoquant le déconventionnement, la « désobéissance » ou encore l’arrêt de l’activité avec un départ à l’étranger. Des discussions sont en cours avec le Bloc, le SML et le FMF pour affiner les propositions. Du côté des deux grands syndicats, MG France et la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) on préfère agir seuls. Le premier a ouvert la voie en publiant un communiqué appelant dores et déjà « chaque médecin généraliste à ne pas pratiquer le tiers payant généralisé dès lors que cette mesure lui fait prendre des risques. En particulier, MG France demande aux généralistes de ne pas tenter de tiers payant avec les régimes complémentaires et donc de refuser la double facturation », indique un communiqué de l’organisation, qui s’inscrit avant même l’adoption définitive de la loi dans un régime de « désobéissance ». Du côté de la CSMF, on devrait se montrer plus précis aujourd’hui ; des nouvelles fermetures de cabinet pourraient être au programme.
Le gouvernement peut-il espérer le pourrissement du mouvement ?
Ces actions pourront-elles avoir une efficacité ? L’UFML estime qu’il faut miser sur le temps : elle rappelle que l’adoption définitive de la loi ne sera pas actée avant novembre et que la période est suffisante pour espérer avoir une influence. Mais l’unité syndicale, déjà fragile (on le voit à travers la diversité des actions préconisées) pourra-t-elle se maintenir ? De nombreux signes d’effritement ont déjà été observés ces dernières semaines. Beaucoup ont ainsi reproché à MG France certains de ses propos magnanimes à l’égard de quelques "avancées" de la loi de santé ; ce qui a incité le syndicat de généralistes à redoubler de pugnacité dans ses communiqués, jugeant que la loi avait raté « le virage ambulatoire » et en étant le premier à appeler à la non application du tiers payant. Mais MG France est également la cible des autres syndicats en ce qui concerne ses positions sur le régime de retraites. Autant de tensions qui laissent augurer une explosion de l’union syndicale contre le projet de loi de santé à l’approche des élections professionnelles qui doivent se tenir à l’automne.
Aussi, l’UFML plaide-t-elle pour un report de cette échéance, afin qu’elle ne vienne pas parasiter le combat essentiel qu’à ses yeux tous les médecins doivent mener.
Aurélie Haroche