
Paris, le mardi 21 avril 2015 – Face aux revendications tarifaires des médecins libéraux, le ministre de la Santé varie les réponses. Quand elle n’assure pas que des négociations seront ouvertes en 2016, elle rappelle que grâce à l’introduction de nouveaux forfaits et autres rémunération sur objectif, le tarif de la consultation "atteint" aujourd’hui 31,40 euros, soit 2,70 euros de plus qu’au moment de son arrivée au gouvernement. Une telle analyse a été confortée en février par la publication d’une étude conduite par l’INSEE mettant en évidence une progression des revenus des jeunes praticiens libéraux par rapport à leurs aînés. Autant de données qui brouillaient le message porté par l’ensemble des syndicats de médecins, dénonçant le blocage des honoraires et ses conséquences sur les revenus des praticiens.
Progression de 0,39 % des bénéfices non commerciaux
Les données publiées par la Caisse autonome de retraite des médecins (CARMF) devraient plus certainement les conforter dans leurs revendications et leur offrir de nouveaux arguments. Se basant sur les avis d’imposition de 106 000 cotisants (sur 126 000), l’organisme met en évidence une progression "quasi nulle" des bénéfices non commerciaux (revenus nets) des praticiens en 2013 par rapport à l’année précédente. Atteignant en moyenne 84 835 euros (79 962 euros pour le secteur 1 et 101 955 euros pour le secteur 2), les BNC ont progressé de 0,39 %, soit au regard de l’inflation qui a atteint 0,74 % (en 2013) une baisse du pouvoir d’achat de 0,35 %.
Les dépassements d’honoraires loin d’avoir explosé
Des différences existent en fonction des disciplines. Ainsi, les médecins généralistes de secteur 1 connaissent la situation la plus favorable, avec une hausse de leurs revenus nets de 1,81 %. La rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) qui bénéficie principalement à ces praticiens, ou encore la majoration de cinq euros en cas de prise en charge d’une personne âgée ont sans doute participé à cette évolution. On retiendra par ailleurs, que chez les généralistes, à la différence de ce qui s’observe pour les spécialistes, le secteur 2 connaît des revenus inférieurs (64 334 euros vs 73 276 euros). Chez les spécialistes, on constate une baisse globale des revenus de 0,61 %, qui est plus marquée encore pour les praticiens installés en secteur 2 (1,66 %). Ces chiffres font relativiser le poids des dépassements d’honoraires et Gérard Maudrux, président de la CARMF observe : « Globalement, les dépassements d’honoraires ne sont pas si importants qu’on le dit ».
Mieux vaut être cancérologue installé en secteur 1 que biologiste
Les spécialités ne sont pas pareillement touchées par la baisse de leurs revenus. Les biologistes sont les plus frappés par ce phénomène, avec une diminution qui atteint 13,16 % et qui s’explique par une nouvelle baisse des tarifs imposée par le gouvernement en 2013. On constate à l’inverse que certaines spécialités voient leurs revenus fortement progresser ; c’est le cas de l’hématologie (+8,82 %) et de la cancérologie (+6,31 % en secteur 1 mais -7,11 % en secteur 2). On ne remarque pas de tendance uniforme en ce qui concerne les secteurs : certaines spécialités voient le secteur 2 plus avantagé (anatomie pathologique ou gynécologie par exemple), quand pour d’autres les honoraires libres sont très "pénalisés" (néphrologie ou pédiatrie). De même, il ne semble pas que les spécialités concernées par un accès aux soins plus difficile connaissent une situation plus enviable que les autres (ainsi les revenus des ophtalmologues baissent de 0,35 % et ceux des dermatologues de 2,99 %). Ainsi, l’impact de la crise et de la pénurie de praticiens (globale ou dans un secteur donné) semblent donner lieu à des conséquences diversifiées.
En tout état de cause, dans leur globalité ces résultats ne devraient que conforter les exigences des médecins libéraux et leur apporter un poids supplémentaire dans la présentation de leurs revendications.
Aurélie Haroche