Succès d'une thérapie génique dans le syndrome de Wiskott-Aldrich

Paris, le mardi 21 avril 2015 – Les déficits immunitaires sont aujourd’hui les pathologies face auxquelles la thérapie génique a enregistré ses plus francs succès. Ces derniers sont en outre très fréquemment le fait de travaux initiés par des chercheurs Français, grâce en grande partie aux dons du Téléthon. Un nouvel exemple est aujourd’hui apporté avec la publication dans le JAMA de résultats très prometteurs d’un essai lancé en 2010 visant le syndrome de Wiskott-Aldrich.

Un taux de survie de 80 % après greffe de CSH

Déficit immunitaire dont l’incidence exacte est méconnue (elle est estimée à moins de 1/100 000 naissances vivantes), le syndrome de Wiskott-Aldrich se caractérise par une « microthrombocytopénie, un eczéma, des infections et un risque accru de manifestations auto-immunes et/ou oncohématologiques » comme le rappelle la fiche consacrée à cette pathologie publiée par le professeur Alain Fischer et le docteur Nizar Mahlaoui sur le site d’Orphanet. La greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) est aujourd’hui l’unique espoir pour les patients, offrant « au mieux » un taux de survie de 80 %. Cependant, on le sait, il n’est pas toujours possible d’identifier un donneur compatible, tandis que les greffes de CSH sont associées à des complications fréquentes et graves. Aussi, depuis le début des années 2000, la mise au point d’une thérapie génique est un domaine de recherche privilégié par certaines équipes.

Un gène encore inconnu il y a 20 ans

La première étape de ces travaux aura été l’identification des mutations hémizygotes du gène WAS codant pour la protéine du syndrome de Wiskott-Aldrich en 1994. Puis, à partir de 2002, les recherches menées par l’équipe d’Anne Galy (UMR951) au sein du laboratoire du Généthon ont contribué à la mise au point de lots de vecteurs médicament. Enfin, en 2010 un essai clinique de phase I/II était lancé, s’appuyant sur la collaboration entre l’équipe française des professeurs Alain Fisher, Marina Cavazzana et Salima Hacein-Bey-Abina (Hôpital Necker) et des chercheurs anglais conduits par le professeur Adrian Thrasher (Great Ormond Street Hospital, Londres). Aujourd’hui, les premiers résultats de ces essais sont publiés dans le JAMA et mettent en évidence des « améliorations cliniques significatives » comme l’indique un communiqué de l’Association française contre les myopathies (AFM) qui par le biais du Téléthon finance l’étude.

Disparition de l’eczéma, fauteuil roulant rangé au placard

Chez les sept patients inclus aujourd’hui dans l’essai (dont six pour lesquels la durée de suivi permet d’évaluer les premiers effets du traitement) des cellules souches sanguines porteuses du gène déficient ont d’abord été prélevés. Cette anomalie a ensuite été corrigée grâce à l’introduction du gène sain, par le biais d’un « vecteur lentiviral développé et produit par Généthon ». Parallèlement à cette action réalisée en laboratoire, les patients recevaient une chimiothérapie afin d’éliminer leurs cellules souches malades ainsi que les cellules responsables de l'auto-immunité. Enfin, la dernière étape a consisté en une réinjection des cellules corrigées. Aujourd’hui, chez les six patients, âgés de huit mois à seize ans (pour lesquels aucun donneur de CSH compatible n’a été identifié), l’eczéma sévère et les infections graves ont été éliminés. On constate par ailleurs chez un des patients une disparition de son arthrite, et chez un autre « une amélioration majeure de sa vascularite des membres inférieurs qui l’obligeait à se déplacer à l’aide d’un fauteuil roulant ». Aujourd’hui, ce malade a une « activité physique normale ». A l’occasion du Téléthon, les téléspectateurs avaient pu découvrir un des participants à cette étude, le jeune Sethi, âgé de quatre ans, à propos duquel le témoignage de ses parents signalait déjà les bénéfices de l’essai. Cependant, « le taux de plaquettes corrigées est variable d’un malade à l’autre » relève l’AFM.

Des précédents encourageants

Aujourd’hui, les chercheurs coordonateurs de l’étude se félicitent de ces résultats. « Ils constituent une avancée thérapeutique importante car ils concernent une pathologie complexe qui affecte la quasi-totalité des cellules sanguines avec des conséquences cliniques dramatiques » observent par exemple Marina Cavazzana et Salima Hacein-Bey Abina. « C’est la première fois qu’une thérapie génique, basée sur des cellules souches génétiquement modifiées, est testée dans un essai clinique multicentrique, international, qui montre un effet thérapeutique reproductible et durable, dans différents centres et différents pays » remarque pour sa part Fulvio Mavilio, directeur scientifique du Généthon.

On rappellera cependant que l’efficacité de la thérapie génique dans le syndrome de Wiskott-Aldrich avait déjà été suggérée en 2010 avec les résultats d’un essai mené par des chercheurs et cliniciens allemands, américains, russes et hongrois. Le protocole avait consisté également en la correction des cellules des malades grâce à l’utilisation d’un rétrovirus porteur du gène. Après deux ans et demi, les résultats étaient encourageants (diminution des manifestations auto-immunes, hémorragiques et de l’eczéma). Cependant, quatre ans plus tard, sept des dix patients inclus dans l'essai avaient développé une leucémie, soulignant une nouvelle fois les risques liés à l'utilisation d'un rétrovirus.

Aurélie Haroche

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