
Paris, le mardi 28 avril 2015 – L’implantation d’Aedes albopictus, vecteur de la dengue et du chikungunya, dans un nombre croissant de régions européennes (et notamment dans 18 départements du Sud de la France) et les échanges importants entre l’hexagone et les Caraïbes (où des épidémies de chikungunya s’ajoutent désormais à celles de dengue) font de la transmission de ces deux virus en métropole un risque non plus théorique, mais avéré. D’ailleurs, en 2014, quatre cas autochtones de dengue étaient identifiés en Provence-Alpes-Côte d’Azur et un foyer autochtone de chikungunya (11 cas confirmés) dans l’agglomération de Montpellier, selon des chiffres publiés aujourd’hui dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Ces différents cas autochtones sont très probablement liés à la situation épidémiologique des départements français d’Amérique et à l’importation de nombreux cas en métropole : 489 infections par le chikungunya et 201 par la dengue ont ainsi fait l’objet d’une déclaration obligatoire en 2014, tandis que 2 327 cas de chikungunya et 953 de dengue étaient recensés par les laboratoires.
Des épisodes de transmission autochtone très limités et vite endigués
Si la situation épidémiologique est aujourd’hui plus favorable que l'année dernière dans les caraïbes françaises, le risque de transmission de la dengue, du chikungunya, voire du virus Zika en métropole reste prégnant. Cependant, les différentes données livrées par le BEH cette semaine suggèrent l’efficacité des mesures de prévention déployées depuis plusieurs années. En 2006 en effet la France s’est dotée d’un plan national anti dissémination. Or, Jean-Claude Desenclos de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) fait remarquer dans un éditorial publié par le BEH que les « deux épisodes de transmission autochtone de dengue et de chikungunya » observés en 2014 ont bénéficié d’une détection précoce, « au prix d’une mobilisation en ressources humaines très importante ». Ce repérage rapide a permis le déclenchement de mesures anti vectorielles qui semblent avoir été efficaces. « Les auteurs des investigations concluent que la diffusion limitée de la maladie pour ces deux épisodes résulte de l’application précoce des mesures de lutte antivectorielle préconisées dans le plan anti dissémination », relève Jean-Claude Desenclos. Si aucune preuve absolue de l’efficacité de ces dispositions ne peut être apportée, plusieurs éléments permettent d’étayer cette hypothèse. Jean-Claude Desenclos fait notamment remarquer que « Le fait que l’épidémie beaucoup plus importante de chikungunya en Emilie-Romagne en 2006 (près de 300 cas, ndrl) soit survenue dans un contexte de méconnaissance du risque et d’absence de plan de surveillance active est, par "analogie" un argument en faveur de l’intérêt du plan antidissémination ». En tout état de cause, les faits observés plaident pour une poursuite des efforts réalisés.
Insecticides : lutter contre les réticences du public
Dans ce cadre, il apparaît important de s’interroger sur l’étendue des dispositifs actuellement disponibles pour endiguer la prolifération d’Aedes albopictus. La France ne pourra peut-être pas faire l’économie d’une réflexion sur l’opportunité d’utiliser des moustiques transgéniques et/ou stérilisés, notamment dans les départements d’outre mer, si de nouvelles épidémies devaient se déclarer. De manière plus prégnante aujourd’hui, le recours aux insecticides suscite toujours des interrogations et des réticences au sein du public, auxquels les responsables sanitaires doivent pouvoir être capables de répondre. A cet égard, une étude publiée dans le BEH évoquée par Jean-Claude Desenclos rapporte comment l’utilisation d’un traitement adulticide péri-focal avait été refusée en France, au sein d’une propriété où un cas de dengue autochtone était avéré. « Dans ce contexte, l’importance de l’implication communautaire (…) doit être soulignée. L’information et la communication en santé sont tout autant cruciales » analyse Jean-Claude Desenclos.
Aurélie Haroche