C’était un rêve, Docteur…

Tout le monde a été confronté à un moment ou l’autre de son existence à des cris ou des mouvements survenant dans le décours d’un rêve ou au réveil. Ce phénomène banal pourrait cependant être pathologique dans certaines conditions.

Le trouble du comportement en sommeil paradoxal (TCSP), une parasomnie caractérisée par la reprise anormale du tonus musculaire au cours du sommeil, qui se manifeste par des mouvements brusques, parfois violents, et des paroles émises au cours d’un rêve, a été décrit comme tel il y a près de 30 ans. Mais il reste toujours des zones d’ombre dans de nombreux cas, même si l’on sait que cet état se retrouve particulièrement souvent en cas de maladie neurodégénérative (Parkinson, démence à corps de Lewy, …). D’une durée moyenne de 30 secondes à 3 minutes, cette manifestation anormale du sommeil nécessite une mise au point polysomnographique pour confirmer l’absence de manifestations épileptiformes à l’EEG.

La prise en charge passe d’abord par la prévention en minimisant l’apport de substances altérant le sommeil et en évitant la déprivation de sommeil. Elle fera ensuite la part belle à la sécurisation du lieu de sommeil, car cette parasomnie peut se traduire par des actes violents et des chutes. D’aucuns conseillent au patient de dormir seul afin de ne pas blesser le/la partenaire.

Un traitement spécifique n’est heureusement que rarement nécessaire. Mais lorsqu’il est indiqué, c’est le clonazepam 0,25 à 2mg qui donne les meilleurs résultats, avec un taux d’efficacité de l’ordre de 80 à 90 %, au détriment cependant d’une certaine somnolence diurne du fait de sa longue demi-vie et du risque de dépression respiratoire. Les patients peuvent également être aidés par la prise de mélatonine qui a montré dans de petites études son aptitude à restaurer l’atonie musculaire au cours de la phase REM à la dose de 3 à 12mg. Elle semble particulièrement utile en cas de syndrome associé à une maladie neurodégénérative.

Plusieurs autres produits ont été testés, sans que l’on puisse conclure à leur intérêt (zopiclone, donepezil, rivastigmine, temazepam, alprazolam, desimipramine, carbamazepine) soit que les études étaient de trop petite taille, soit parce que les patients sélectionnés étaient très hétérogènes, soit encore parce que le diagnostic formel n’avait pas été établi par polysomnographie.

Pratiquement, lorsque le trouble est avéré, les patients doivent s’abstenir de consommer de l’alcool, du café, du chocolat et toute drogue psychoactive ; l’arrêt devant être progressif car le risque de rebond est important. Les traitements anticholinergiques et les inhibiteurs des récepteurs de la sérotonine ainsi que la venlafaxine, les tricycliques et les IMAOs seront momentanément arrêtés. Il faut noter que les antidépresseurs peuvent aussi démasquer (en provoquant ce trouble) une affection neurodégénérative qui ne se manifestait avant cela que par un syndrome dépressif. En l’absence d’amélioration, il faudra partir à la recherche d’une sclérose en plaques, d’affections vasculaires, infectieuses, tumorales ou paranéoplasiques.

Mais, en présence d’un TCSP dont l’étiologie n’aura pas été déterminée, il faudra rester attentif à la survenue possible d’une maladie de Parkinson (présente dans environ 50 % des cas à 12 ans, et 20 % à 5 ans). Ce risque est particulièrement avéré lorsque les patients présentent également des symptômes que l’on rencontre dans la maladie de Parkinson: hyposmie, dépression, constipation, …) que l’on pourra suspecter par une hyperéchogénénicité de la substance noire.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Avidan A. Hot topics in sleep neurology. Current concepts of the parasomnias. Congress of American Association of Neurology (Washington): 18-25 avril 2015.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article