
Paris, le samedi 9 mai 2015 – L’invisible offre la certitude que la ville et ses bourdonnements infinis cachent d’autres vies, des existences parallèles. La solitude se montre-t-elle moins pesante à l’évocation de cette pensée ? Le roman « Les Heures souterraines » de Delphine de Vigan ne répondait pas à ces questions. Mais en retraçant de façon parfaitement parallèle, sans jamais les croiser, les vies de Mathilde, victime d’harcèlement et d’épuisement professionnels, et de Thibaut, membre de SOS médecins, bringuebalant ses tristesses amoureuses, la romancière nous avait offert une promenade sans pareille sur les échos qui peuvent traverser les murs épais des cités. La lecture nous laissait une rêverie mélancolique sur le parallélisme des silences. Aujourd’hui, il est à espérer que l’adaptation du roman au théâtre par Anne Loiret, présentée à partir du 12 mai à Paris, fera naître les mêmes échos.
Et si c’était vrai ?
C’est avec un talent littéraire parfois moindre, mais un sens de l’intrigue toujours aiguisé, que Guillaume Musso compose aussi sur ce thème des résonnances et réverbérations. Son dernier roman, comme à son habitude hésitant entre le surnaturel et le thriller, a pour point de départ l’étrange maladie (malédiction pourrait-on dire) qui touche Arthur médecin urgentiste, qui ne vit qu’une seule journée par an. Parallèlement à cette existence morcelée, Lisa, une jeune comédienne demeure constamment à sa recherche. Cependant, plutôt que d’approfondir cette question de la fragmentation du temps, des recherches parallèles qui peinent à se rencontrer, Guillaume Musso a préféré concentrer une grande partie de son histoire sur les conséquences de la paternité.
Histoire vraie
Il n’est pas besoin d’être deux pour mener des vies parallèles. Un seul homme peut mener des existences très distinctes. Il faut parfois pour arriver à cette étrange équation des circonstances exceptionnelles. Pour Félix Kersten, elles l’étaient. Cinquante-cinq ans après « Les Mains du Miracle » de Joseph Kessel, le scénariste Patrice Perna et le dessinateur Fabien Bedouel se sont attaqués à l’existence singulière du médecin d’Himmler. Grâce à ses relations privilégiées avec Heinrich Himmler, à l’origine de l’élaboration de la « solution finale » pour l’extermination des juifs, Félix Kersten est en effet parvenu à faire libérer et à sauver 60 000 personnes. Sous la forme d’un thriller haletant, qui n’oublie nullement la composante psychologique, Patrice Perna et Fabien Bedouel retrace cette épopée saisissante dans une bande dessinée qui a été récemment saluée par le festival de l’Alpe d’Huez.
Invraisemblable
La bande dessinée est un instrument idéal pour mettre à nu les parallélismes, les échos intérieurs. Sandrine Revel nous en offre une très belle démonstration avec son ouvrage consacré à Glenn Gould. De nombreuses planches nous permettent de nous immiscer dans l’intériorité du pianiste génial et de tisser le lien entre les mains courant sur le clavier et la petite musique (parfois détraquée) de l’artiste. « Dès la troisième planche j’ai tenté d’amener une lecture à double sens, un peu abstraite » explique Sandrine Revel dans les colonnes de Télérama. Une orientation qui va se poursuivre jusqu’à la fin de l’ouvrage et notamment dans les planches évoquant les troubles psychiques, les angoisses et les hallucinations du célèbre pianiste.
Théâtre : « Les Heures souterraines »,
adaptation du roman de Delphine de Vigan par Anne Loiret, à partir
du 12 mai, théâtre de Paris, 15, rue Blanche, 75009 Paris.
Roman : « L’instant présent », de Guillaume Musso,
XO Editions, 374 pages, 21,90 euros,
Bande dessinée :
« Kersten, médecin d’Himmler », de Patrice Perna et de
Fabien Bedouel, éditions Glénat, 48 pages, 13,90 euros
« Glenn Gould, une vie à contretemps », de Sandrine Revel,
éditions Dargaud, 128 pages, 21 euros
Aurélie Haroche