
Paris, le mercredi 20 mai 2015 – Les représentants des hôpitaux publics n’ont jamais caché leur opposition à la mise en place des trente-cinq heures dans leurs établissements. Aujourd’hui, ils aspirent à une réforme en profondeur de l’organisation du temps de travail, afin notamment de régler le casse tête des jours de RTT non pris et épargnés. Des accords ont déjà été adoptés dans plusieurs hôpitaux, répondant à un schéma proche : contre un raccourcissement de leur journée de travail, les agents ont accepté de renoncer à une partie de leur "RTT" (passage en général de 20 à 15 jours par an).
Travailler moins au quotidien pour épargner moins de RTT
C’est au tour aujourd’hui de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) de s’engager dans ce grand chantier et son ouverture est évidemment observée avec une grande attention. Comme nous l’avions évoqué, le patron de l’AP-HP, Martin Hirsch a présenté sa "feuille de route" le 11 mai dernier. Outre le calendrier des négociations (qui ne doivent s’ouvrir officiellement que le 28 mai), l’esprit de la réforme a été présenté. « Nous ne déclarons pas une guerre. Nous ne livrons pas une bataille. Nous ne cherchons pas à nous attaquer à des acquis » a-t-il voulu rassurer. Pourtant, les syndicats ont semblé considérer que les propositions avancées ne respectaient pas cet engagement liminaire. Martin Hirsch l’affirme : son objectif est de trouver une solution qui permettra d’éviter la suppression de 4 000 emplois dans les cinq ans à venir. Aussi, une réorganisation et une harmonisation du temps de travail sont nécessaires. Comme dans d’autres hôpitaux, il souhaite ainsi s’orienter vers une journée de travail plus courte (7h30 contre 7h36 ou 7h50 actuellement) contre la réduction des jours de RTT (qui passeraient de 20 à 15). D’autres dispositions sont également évoquées, telle la suppression de certains acquis spécifiques à l’AP-HP (comme des jours de congés pour la fête des mères). Des réadaptions des plannings doivent également être discutées.
Chantage à l’emploi
L’ensemble des organisations syndicales (CGT, FO, SUD Santé, CFTC, CFE-CGC, UNSA et CFDT) ont immédiatement dénoncé cette proposition. « Après analyse du document, toutes les organisations syndicales constatent qu’il s’agit d’une part de supprimer des jours de RTT, des droits spécifiques AP-HP et d’autre part d’adapter les plannings des personnels aux pics d’activité des services en intensifiant ainsi le travail, déstructurer la notion même de service et d’hôpital au nom de la "concordance des temps" entre personnel médical et non médical » écrivent les syndicats dans un communiqué appelant demain à la grève. Parallèlement à cette mobilisation du 21 mai, les syndicats ont boycotté toutes les réunions préparatoires. Les organisations qui signalent, tel le secrétaire général de la CFDT le risque majeur d’épuisement professionnel chez les personnels de l’AP-HP affirment refuser le « chantage à l’emploi » de Martin Hirsch. Pour les syndicats, si la réorganisation du temps de travail est un sujet qui s’impose, « ça ne se regarde pas sous le seul prisme des 35 heures » signale Laurent Berger pour la CFDT. La grève et les manifestations seront également l’occasion pour les personnels d’exprimer d’une manière générale leurs inquiétudes vis-à-vis de la politique "d’austérité" qui frappe l’hôpital.
Les urgentistes font des émules
Les praticiens hospitaliers restent pour le moment éloignés de ce conflit. La négociation qui doit s’ouvrir ne les concerne pas directement. Mais Martin Hirsch a déjà prévenu que les efforts devaient concerner « tout le monde de manière équitable. Cette équité signifie que tous les personnels… seront concernés par la réflexion sur les organisations de travail ». De telles déclarations ne peuvent qu’inciter les praticiens à la vigilance. Déjà Nicole Smolski, présidente de l’intersyndicale Avenir Hospitalier citée par le Monde et Medscape prévient : « La question du temps de travail est la préoccupation principale des médecins hospitaliers. Ils en ont marre d’avoir l’impression d’être corvéables à merci et de travailler parfois plus de 60 heures par semaine » ou encore « Si le gouvernement s’amuse à rogner les RTT des praticiens, il peut être sûr qu’ils vont se mobiliser ». La vigilance des pharmaciens et médecins est d’autant plus grande que ces derniers sont assez échaudés par l’adoption de nouvelles mesures bénéficiant aux médecins urgentistes et qui s’appliqueront à partir du 1er juillet. Ces nouvelles conditions de travail attisent l’envie de nombreux autres spécialistes. « Il va y avoir un phénomène de contagion » prophétise Loïc Capron, patron de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP, cité dans le Monde.
Le ministère garde ses distances
Dans ce cadre très conflictuel, difficile de savoir quelle portée auront les négociations programmées par l’AP-HP. Au sein de la Fédération hospitalière de France (FHF), certains veulent croire qu’elles pourraient servir de point de part à une discussion plus large, en vue de l’adoption d’un cadre national. Mais pour l’heure, face notamment à la contestation déjà marquée, le gouvernement garde ses distances. « Je veux rappeler solennellement que le gouvernement est attaché aux 35 heures à l’hôpital comme ailleurs. Il n’est pas question de remettre en cause leur cadre réglementaire » a ainsi déclaré hier Marisol Touraine à l’occasion de l’ouverture des salons santé autonomie à Paris. Rappelant en outre que « Paris n’est pas la France », le ministre a encore assuré qu’elle veillerait « au respect des droits des salariés comme aux conditions du dialogue social ».
Pas réellement le soutien massif que Martin Hirsch aurait pu attendre.
Aurélie Haroche