Salle de shoot : Lariboisière mieux que le boulevard de la Chapelle ?

Paris, le mardi 26 mai 2015 – Il y a deux ans quasiment jour pour jour était annoncé le futur emplacement destiné à accueillir à Paris la premier centre d’injection supervisé (CIS) destiné aux toxicomanes. C’est au 39 boulevard de la Chapelle dans le 10ème arrondissement que l’expérimentation discutée depuis plusieurs années devait être lancée. Il s’agissait d’un terrain appartenant à la SNCF, dont la conformation devait permettre un certain isolement par rapport aux riverains. Le hic est que le 39 boulevard de la Chapelle est également l’adresse d’un immeuble d’habitation, dont les résidents se sont montrés très inquiets dès le dévoilement du projet. Il ne leur aura d’ailleurs pas fallu attendre longtemps pour que des toxicomanes se pressent à leurs portes à la recherche de la salle non encore ouverte. Outre les habitants du 39 boulevard de la Chapelle, une grande partie des riverains de ce quartier déjà "difficile" se montraient très hostiles à cette installation. L’établissement d’un campement sauvage par une centaine de migrants sous le métro aérien a fini de faire croître l’exaspération de tous. Le maire du Xème arrondissement a lui-même convenu qu’il n’était pas souhaitable de faire naître un telle structure dans un environnement aussi "dégradé".

Faire équipe avec un hôpital : logique mais pas forcément idéal

L’édile a donc confirmé hier l’information révélée par le Monde d’un nouveau choix de localisation pour la possible future salle de shoot. Elle devrait finalement s’implanter à 200 mètres du 39 Bd de la Chapelle, au sein de l’hôpital Lariboisière. Un grand nombre de riverains favorables au projet mais contestant le lieu initialement choisi avait suggéré une telle option. L’intégration au sein d’une structure sanitaire semble en effet répondre à l’esprit du dispositif, dont le principal objectif est de réduire une partie des risques (notamment infectieux) liés à l’injection de drogues. « C’est un dispositif santé, on l’adosse à l’hôpital » explique ainsi au Monde Bernard Jomier, adjoint à la mairie de Paris, chargé du dossier. Cependant, l’association Gaïa qui pilote le projet s’est longtemps montrée réticente : elle redoute en effet que l’association du CIS à un centre hospitalier ne dissuade de nombreux usagers d’y recourir. Par ailleurs, pour l’hôpital, accueillir en son sein une telle structure n’est pas sans poser des problèmes de sécurité. Il semble cependant que l’ensemble des "acteurs" aient accepté de faire fi de leurs objections pour construire ce nouveau projet.

Lariboisière déjà en pleine restructuration

De nombreuses questions restent cependant en suspens. On ne sait tout d’abord pas où sera exactement localisée la salle. « On aura une ouverture sur rue, pour faire notre travail de proximité auprès des usagers de drogue, qui ne passeront pas par le guichet ni les couloirs de l’hôpital » indique le docteur Thomas Dusouchet, coordinateur de l’association Gaïa. « Ce sera une entrée séparée qui mènera à une enclave au sein de l’hôpital » assure encore Rémi Féraud maire du 10ème. Ces indications devront cependant être précisées, notamment en ce qui concerne la sécurisation des lieux.

Déjà les inquiétudes sur ce point sont importantes : « L’hôpital Lariboisière est celui qui accueille le plus de patients aux urgences » rappelle en effet le président de l’association Parents contre la drogue, très hostile au principe même des salles de shoot. De même chez les riverains, l’annonce du déplacement du projet n’a pas apporté entière satisfaction : ils continuent à redouter un afflux de toxicomanes et un trafic de drogue plus intense. Un travail d’acceptation reste donc à réaliser, y compris auprès des agents de l’hôpital, dont les syndicats n’ont pas encore réagi, mais qui pourraient considérer que cette future implantation ne fera qu’ajouter au malaise grandissant au sein de l’établissement sur fond de restructurations.

La vie du Quai 9 n’est pas un long fleuve tranquille

En raison du phénomène dit de « NIMBY » (pour « Not In My BackYard ») et sous l’effet qui plus est de la controverse toujours marquée quant à l’efficacité d’un tel programme (en ce qui concerne la réduction des risques, l’effet sur la consommation de drogue et les conséquences en matière de sécurité), quel que soit le lieu choisi, les polémiques resteront vives même après l’ouverture du centre (s’il ouvre, son lancement restant suspendu à l’adoption définitive du projet de loi de santé).

A cet égard, l’exemple du Quai 9 à Genève est saisissant. Son ouverture en 2001 a tout d’abord été précédée de dix ans de tractations, discussions et protestations. Après celle-ci, même si les chiffres n’ont pas mis en évidence de problèmes majeurs de sécurité, en raison de certains débordements (sonores notamment), un grand nombre de riverains restent échaudés. Certains continuent à souhaiter la fermeture du centre ou son déplacement au sein d’un service hospitalier. Chaque élection locale ravive le débat. Mais les résultats obtenus en terme de diminution des infections et du nombre d’overdoses poussent les organisateurs du Quai 9 à poursuivre leur travail en prenant soin de mener des actions pédagogiques fréquentes à l’intention des citoyens.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Logique

    Le 27 mai 2015

    Offrir une "salle de shoot" dans des locaux médicaux déjà existants me parait logique en ces temps de difficultés économiques. Les utilisateurs de drogues injectables trouveront des locaux (CMP, CATTP, Hôpital de jour ou de nuit, Centre hospitalier) et du personnel compétent dans l'écoute et espérons leur prise en charge.

    Dr Lucien Duclaud

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