Fugues mineures et majeures

Paris, le samedi 30 mai 2015 – Parfois, il est impossible d’envisager une autre issue. Partir, tout quitter s’impose avec la même violence que le choc qui vous contraint à cet exil. Traqué, anéanti, honni tout autant par ceux qui le poursuivent que par lui-même, Aurélien Desmaroux n’envisage pas d’autres choix. Le héros du dernier roman de Patrick Poivre d’Arvor : Un homme en fuite publié aux éditions Robert Laffont était pourtant un homme parfaitement intégré. Chirurgien, il est spécialisé dans le traitement des malformations cardiaques infantiles. Mais un matin, une intervention tourne mal. Il perd connaissance durant une opération, qui se révèle fatale à l’enfant. L’enquête détermine très rapidement qu’il était sous l’emprise de l’alcool. Face aux poursuites multiples dont il est l’objet, Aurélien Desmaroux entreprend une longue errance et se perd désespérément dans la boisson. Quel retour est encore possible quand la vie a ainsi détruit tous les ancrages, vrais et simulés ?

La vieille dame sans affliction

Si Aurélien Desmaroux se perd, pour d’autres la fuite a une destination unique. Le héros d’Alors vous ne serez plus jamais triste, premier roman du jeune médecin généraliste Baptiste Beaulieu qui avait déjà été remarqué pour son Alors voilà qui compilait les anecdotes savoureuses d’internes en médecine, veut disparaître. Après la mort de sa femme, il lui est impossible d’envisager de continuer à prendre soin des autres. Une rencontre va freiner cette fuite irrémédiable : la vieille conductrice d’un taxi le convainc de demeurer encore sept jours. Sept jours durant lesquels, Sarah ne va tout d’abord pas tenter de lui rappeler combien peut-être douce la vie : elle le conduit de cimetières en cimetières, d’enterrements en enterrements, afin de le familiariser avec ce qu’il affirme rechercher. Vient ensuite le temps des leçons, parfois distillées avec un brin de naïveté, mais qui n’altère pas le charme de cette "fable", de cette douce fuite.

Un scaphandre et un papillon

Il y a ceux qu’une rencontre peut faire fuir face à la mort. Et il y a ceux qui ne peuvent pas. A 53 ans, Michel Salmon a été victime d’un AVC. Trachéotomisé, il est cloué sur un lit d’hôpital, atteint d’un lock in syndrome. Trois ans après un long combat, il demande à pouvoir mourir. Ce n’est pas une fuite, c’est le terrible constat d’un homme qui veut quitter son enfermement. La requête sera rejetée par l’équipe du CHU de Tours, en dépit de l’intervention du Centre d’éthique clinique. Un parcours difficile qui est évoqué avec justesse par le documentaire A la vie à la mort rediffusé ce 2 juin sur France 2, qui illustre bien la complexe application de la loi Leonetti.

Terminator, infectiologue

Le dilemme des praticiens face à une demande telle celle de Michel Salmon rejoint celui du héros de Maggie, de Henry Hobson. Dans ce film de zombie qui signe le grand retour d’Arnorld Schwarzenegger, un père est confronté au pire. Doit-il tuer sa fille, infectée par un mystérieux virus qui la fera tôt ou tard devenir un zombie et ainsi protéger sa nouvelle famille, ou tout faire pour la soigner ? Qui fuir : la société et ses proches afin de préserver à tout prix son enfant ou ce dernier ? Certains spectateurs fuiront devant ce film, que d'aucuns ont vu comme une fable réactionnaire, quand d’autres s’amuseront du retour de l’acteur mythique. Fuir ou partir, faut-il vraiment choisir.

Livres :

Un homme en fuite, de Patrick Poivre d’Arvor, éditions Robert Laffont, 234 pages, 19 euros.

Alors vous ne serez plus jamais triste, de Baptiste Beaulieu, éditions Fayard, 312 pages, 17 euros; 

Télévision : France 2, mardi 2 juin, 23h45, A la vie à la mort, documentaire d’Anne Gorget

Cinéma : Maggie, de Henry Hobson, sortie le 27 mai (1h35)

 

Aurélie Haroche

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