
Depuis quelques années le traitement du mélanome malin métastatique ou non résécable a connu des avancées importantes avec la mise au point de thérapies ciblées mais aussi avec les progrès de l’immunothérapie. En ce qui concerne cette dernière, la première molécule testée avec des résultats encourageants a été l’ipilimumab (IPI), un anticorps monoclonal qui interagit avec l’antigène 4 des lymphocytes T cytotoxiques (CTLA-4), antigène qui inhibe l'activation des cellules T. En bloquant le signal du CTLA-4, l'ipilimumab conduit ainsi à une activation des cellules T, à leur prolifération et à l'infiltration des tumeurs par les lymphocytes, aboutissant à la mort des cellules tumorales. Plus récemment ont été proposées d’autres molécules avec des mécanismes d’action différents, parmi lesquelles le nivolumab. Il s’agit d’un anticorps monoclonal totalement humanisé de type IgG4, dirigé contre le récepteur PD-1 (Programmed Death 1 inhibitory receptor). Ce récepteur PD-1 exprimé par les cellules T stimulées par un antigène, inhibe la prolifération des cellules T, la libération de cytokines et la cytotoxicité. Le nivolumab, en bloquant le récepteur PD-1 empêche la suppression de la cytotoxicité et induit une réponse antitumorale. Les essais dans le mélanome malin métastatique ont montré des résultats significatifs avec une prolongation nette de la survie sans progression.
Des études de phase 1 ont par ailleurs montré que le nivolumab et l’ipilimumab, administrés conjointement, avaient des effets complémentaires. Une étude de phase 3 présentée à l’ASCO apporte des éléments supplémentaires : elle a comparé l’association nivolumab-ipilimumab au nivolumab (N) seul et à l’ipilimumab seul.
L’essai a porté sur 945 patients atteints d’un mélanome malin au stade avancé (stade III ou IV) mais "naïfs" de tout traitement systémique qui ont été randomisés en trois groupes équivalents : dans l’un (n = 314) les patients recevaient N 1 mg/kg et IPI 3 mg/kg toutes les 3 semaines à 4 reprises au total puis N 3 mg/kg toutes les deux semaines lors des cycles suivants; dans le deuxième (n = 316) étaient administrés N (3 mg/kg, toutes les deux semaines) et un placebo et enfin dans le troisième (n = 315) IPI 3 mg, toutes les trois semaines et un placebo. Les traitements étaient poursuivis jusqu’à l’apparition d’une progression tumorale ou d’un effet secondaire intolérable.
Les taux de survie sans progression (PFS, progression free survival) et de réponse objectives (ORR, objective response rate) sont apparus significativement meilleurs dans les groupes N + IPI et dans le groupe N seul. La médiane de survie sans progression dans le groupe N + IPI est de 11,5 mois (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 8,9-16,7) contre 6,9 (IC : 4,3-9,5) dans le groupe N seul et de 2,9 (IC : 2,8-3,4) dans le groupe IPI seul. (Hazard ratio pour les groupes avec nivolimumab vs IPI seul : 0,42 et 0,57 respectivement). Les ORR sont de 57,6 % (IC : 52-63,2), 43,7 % (IC : 38,1-49,3) et 19 % (IC : 14,9-23,8) respectivement dans les trois groupes N + IPI, N seul et IPI seul.
Des effets secondaires de grade 3-4 ont été observés chez 55 %, 16,3 % et 27,3 % des malades des trois groupes de traitement N + IPI, N seul et IPI seul respectivement et ont conduit à l’arrêt du traitement dans 36,4 %, 7,7 % et 14,8 % des cas avec 0, 1 et 1 décès déplorés respectivement dans les trois groupes.
Les résultats de cet essai illustrent à nouveau la complémentarité des effets du nivolumab et de l’ipilimumab dont l’association est cliniquement significativement supérieure à l’ipilimumab seul avec toutefois une toxicité accrue.
Dr Marie Line Barbet