Un tiers des dentistes refuseraient (ou tentent de refuser) de prendre en charge les séropositifs

Paris, le jeudi 4 juin 2015 – Les associations de défense des séropositifs alertent régulièrement sur les refus de soins auxquels seraient confrontés les séropositifs. Il y a dix ans, le Réseau Sida Info Service avait conduit une enquête auprès de 349 personnes qui révélait que 43,7 % des séropositifs affirmaient avoir été l’objet d’une "discrimination" de la part du monde médical. A l’époque, Sida Info Service s’inquiétait notamment de la fréquence des défauts de soins de la part des dentistes.

Le phénomène n’est pas ignoré par les responsables de la profession. En 2005, avant même la présentation des résultats de son enquête par Sida Info Service, alerté à plusieurs reprises, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes avait adressé une circulaire à l’ensemble de ses conseils départementaux et régionaux rappelant « que les refus de soins ne peuvent être justifiés, pas plus par l’état de santé du patient que par sa couverture sociale ».

Annoncer la couleur dès la prise de rendez-vous

Pourtant, dix ans plus tard, les difficultés d’accès aux soins dentaires des séropositifs restent fréquents. Telle est tout au moins la conclusion d’une enquête réalisée par Aides dont les résultats sont publiés aujourd’hui. L’association a usé de la méthode controversée du testing. La démarche : passer deux coups de téléphone auprès des mêmes dentistes pour demander un rendez-vous pour un détartrage, soit en faisant mention de sa séropositivité, soit sans évoquer cette question. Si cette méthode téléphonique a été choisie, c’est que de nombreux séropositifs choisissent désormais d’évoquer leur infection par le VIH dès la prise de rendez-vous afin d’éviter un refus de soins au cabinet.

Des refus de soins directs assez rares

Aides a retenu la définition du refus de soins précisée dans une circulaire de 2008 de la CNAMTS qui inclue non seulement les refus explicites mais aussi « la fixation tardive, inhabituelle et abusive d’un rendez-vous, l’orientation répétée et abusive vers un autre confrère ; l’attitude et le comportement discriminatoire du professionnel de santé, etc ». Sur 440 appels à des cabinets dentaires, Aides recense 33,6 % de « refus de soins frontaux ou déguisés ». Les refus directs sont cependant rares : ils concernent 3,6 % des appels. Les refus déguisés concernent pour leur part 30 % des demandes de rendez-vous. Comme exemple de réponse, Aides cite : « Ah vous êtes séropositif ? Par contre, je dois vous dire, c’est 150 euros pour un détartrage » (Aides n’indique pas cependant s’il s’agissait effectivement du véritable tarif). L’association indique également que dans 16,8 % des cas, l’attitude du cabinet met en évidence des « discriminations ou disparités de traitement ». L’association déplore notamment une rupture du secret médical (il est indiqué par exemple que la mention de l’infection par le VIH sera consignée dans le carnet de rendez-vous). Une enquête moins large conduite auprès de 116 gynécologues ne met pas en évidence une telle fréquence (6 % de refus de soins sont déplorés et 17,2 % de discriminations ou de disparités de traitement).

Aucune recommandation ne préconise d’ordre de passage

Face à ces résultats, Aides déplore une méconnaissance du VIH de la part des dentistes et rappelle que les différentes recommandations publiées ces dernières années insistent sur le fait que le strict respect des règles d’hygiène et de stérilisation habituelles doit permettre une lutte efficace contre la transmission des virus et autres germes (d’autant plus qu’un nombre de porteurs du VIH, du VHC ou du VHB s’ignorent). Concernant les "ordres de passage", le Haut conseil à la Santé publique avait indiqué en 2007 qu’il ne recommandait pas « l’instauration d’un ordre de passage pour tout patient porteur des virus VHC, VHB ou VIH lors d’actes invasifs médico-chirurgicaux ».

Nouveau plaidoyer en faveur de la reconnaissance du testing

Pour Aides, ces résultats doivent contribuer à créer un "électrochoc", non seulement sur la fréquence des refus de soins et sur la nécessité d’une meilleure formation des professionnels de santé, mais aussi sur la nécessité de reconnaître officiellement la pratique du testing. Un sujet sur lequel on le sait les représentants des syndicats de praticiens sont en profond désaccord avec l’organisation : ils mettent en avant les difficultés d’interprétation (et l’étude évoquée ci-dessus n’échappe pas à cette critique) et les risques de "sigmatisation" d’une profession. Aides juge pour sa part que la charge de la preuve devrait être renversée : « ce doit être au médecin de prouver qu’il n’a pas refusé de soigner et non au patient que les soins lui ont été refusés » affirme l’association (ce qui serait en contradiction avec les règles habituelles du droit français !). 

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Pour références...

    Le 04 juin 2015

    Que disent les banques...et les administrations...en cas de déclaration ouverte de pathologies graves, dans le cadre des pronostics actuels ?

    Dr Claude Amouroux

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