Dépistage du cancer du sein par mammographie : les experts y sont favorables !

En novembre dernier se tenait, au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC – IARC), une réunion d’experts internationaux. Ils avaient pour objectif d’évaluer l’efficacité et les effets indésirables des différentes méthodes de dépistage du cancer du sein. La dernière mise au point datait en effet de 2002. Elle stipulait que les preuves étaient suffisantes pour recommander le dépistage par mammographies systématiques entre 50 et 69 ans, mais ne recommandait pas le dépistage systématique entre 40 et 49 ans et le déconseillait avant 40 ans et après 69 ans.

Depuis, de nombreuses études ont été menées, parfois contradictoires, pour évaluer le bien-fondé de ce type de dépistage. De plus, des progrès substantiels ont été réalisés, tant dans la technique des mammographies que dans les traitements. Ces éléments font qu’une mise au point est évidemment la bienvenue.

Revue systématique de la littérature sur la mammographie systématique

C’est la mammographie systématique qui prend la part la plus importante du rapport publié récemment. Pour évaluer son efficacité à réduire la mortalité par cancer du sein, les auteurs ont procédé à une revue systématique de la littérature, recensant les études de cohorte, en privilégiant les suivis prolongés sur de longues périodes, et les études cas-témoins. Au total 20 études de cohorte et 20 études cas-témoins ont été retenues, menées en Australie, Canada, Europe ou Etats-Unis. L’analyse des données confirme l’efficacité de la mammographie systématique pour réduire la mortalité par cancer du sein dans la tranche d’âge des 50-69 ans, puisque les femmes qui se soumettent régulièrement à cet examen auraient un risque de décès par cancer du sein réduit d’environ 40 %. Mais, fait nouveau, une réduction substantielle du risque de décès par cancer du sein est retrouvée aussi pour les femmes de 70 à 74 ans.

Les experts réunis ont aussi évalué les effets indésirables possibles des mammographies systématiques, tout au moins les 3 principaux effets identifiés : les faux positifs, le surdiagnostic et le cancer induit par les radiations. En ce qui concerne les faux positifs, le risque cumulé varie évidemment en fonction du rythme du dépistage, et est estimé à 20 % pour les femmes qui auront 10 dépistages entre 50 et 70 ans. Moins de 5 % de ces faux positifs donnent lieu à une procédure invasive. L’analyse des données confirme les conséquences psychologiques négatives à court terme des faux positifs pour de nombreuses patientes.

Faux positifs, surdiagnostics et irradiation ne modifieraient pas le rapport bénéfice/risque

Les auteurs confirment aussi le risque de surdiagnostic inhérent au dépistage systématique. Nous resterons toutefois sur notre faim concernant une évaluation précise de ce risque. Rappelons que la méthode d’évaluation des surdiagnostics fait encore l’objet de débats nourris. Les experts tranchent ici en concluant que l’estimation la plus appropriée est fournie par la comparaison entre les probabilités de cancer chez les femmes dépistées systématiquement et les autres. Ils rappellent l’estimation de l’EuroscreenWorking Group, situant, en 2012, le risque de surdiagnostic entre 1 % et 10 %, et signalent toutefois que des études similaires non européennes ou des études observationnelles européennes plus récentes donnaient des estimations plus élevées. Nous n’en saurons pas plus sur ce point, pourtant encore objet de quelques vives polémiques.

Enfin, s’ils admettent que le risque de cancer radio-induit n’est pas nul, le comité d’experts estime qu’il se situe entre 1 et 10 pour 100 000 femmes, selon l’âge, la fréquence et la durée du dépistage. Quoi qu’il en soit, il est au moins inférieur d’un facteur 100 au risque de décès par cancer du sein évité.

La mammographie systématique, entre 50 et 69 ans, conserve donc pour ce groupe d’expert un rapport bénéfice-risque favorable pour le dépistage du cancer du sein.

D’autres techniques de dépistage mal évaluées

Les autres techniques de dépistage n’ont pas été oubliées, mais occupent une place plus réduite dans le rapport publié. Les techniques de palpation et d’auto-palpation des seins sont mentionnées. Si la palpation améliore la détection de tumeurs plus petites et à un stade plus précoce, les données disponibles ne permettent pas de démontrer son efficacité pour réduire la mortalité par cancer du sein. Quant à l’auto-palpation, les études montrent qu’elle n’a pas d’influence favorable sur la mortalité. En ce qui concerne les nouvelles techniques d’imagerie (tomosynthèse, IRM avec ou sans injection de produit de contraste, échographie, tomographie par émission de positons, mammographie par émission de positons), les données sont insuffisantes pour permettre une conclusion. Nombre d’entre elles sont encore en cours d’évaluation, notamment pour le dépistage des personnes à haut risque.

Dr Roseline Péluchon

Référence
Lauby-Secretan B et coll. : Breast-Cancer Screening — Viewpoint of the IARC Working Group N Engl J Med., 2015 ; publication avancée en ligne le 3 juin. DOI: 10.1056/NEJMsr1504363

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Vos réactions (2)

  • Une question sur les porteuses d'implant mammaire

    Le 09 juin 2015

    Merci pour cet article.
    Je suis la secrétaire de l'Association PPP (aide aux victimes des implants mammaires [I.M.] PIP - 2 530 adhérentes).
    Je souhaiterais connaître votre avis sur le cas des femmes porteuses d'Implants Mammaires.
    Dans le cadre de l'affaire PIP, nous avons constaté des cas de rupture et de fissure d'I.M. suite à des mammographies et, bien entendu, à la pression exercée sur les seins lors de l'examen, et pas seulement sur des porteuses de PIP. Nous savons que les IM. Allergan sont particulièrement fragiles (nombreux cas de ruptures précoces) alors que cette marque a pris la place laissée vacante par PIP sur ce marché, d'où un risque accru de problèmes suite à des mammographies.
    Quelle est votre position à ce sujet ?

    Annie Mesnil, 02 38 30 78 40

  • Surveillance des femmes porteuses d'implants mammaires (réponse de la réadction à Annie Mesnil)

    Le 11 juin 2015

    L'INCa a publié en mars 2014 des recommandations d'experts concernant le suivi des femmes porteuses de prothèses mammaires. Les voici telles que définies sur leur site :
    "Surveillance des femmes porteuses d’un implant mammaire
     En l’absence de tout symptôme :
    Concernant le risque de cancer du sein, il n’y a pas lieu de modifier chez une femme porteuse
    d’implants les modalités actuellement recommandées de dépistage et de surveillance de cette pathologie. Le port d’implants mammaires ne constitue pas en soit une contre indication au dépistage organisé du cancer du sein : le taux de rupture des implants n’est pas augmenté par la mammographie, qui reste l’examen de référence.
    Concernant le risque de rupture, la surveillance des femmes porteuses d’implant mammaires PIP requiert un examen clinique et une échographie annuelle (sein et aires axillaires) pour vérifier l’intégrité de l’implant.
    Les modalités de surveillance des femmes pour s’assurer de l’intégrité des implants mammaires non PIP restent encore à préciser. Des travaux d’expertise complémentaires sont nécessaires pour déterminer le délai recommandé entre la pose de l’implant et le début de la surveillance radiologique et la fréquence de cette surveillance
    . La place de l’échographie mammaire par rapport aux autres techniques devrait également être précisée. Le groupe retient qu’une IRM mammaire n’est pas indiquée en première intention, quelle que soit la marque de l’implant.

    En cas de signes cliniques et/ou radiologiques anormaux :
    Une consultation spécialisée est préconisée pour une prise en charge."
    Dr Roseline Péluchon

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