
Paris, le mercredi 17juin 2015 – Ce week-end a sonné l’heure du rappel des troupes pour l’ensemble des syndicats et organisations de médecins libéraux. Les réunions se sont multipliées : à Cochin, deux cent praticiens se pressaient à l’appel de l’Union française pour une médecine libre (UFML), le Bloc, le Syndicat des médecins libéraux (SML), la Fédération des médecins de France (FMF) et le Mouvement pour la santé de tous (MPST). Le même jour, MG France tenait son Assemblée générale et l’Union nationale des omnipraticiens de France (UNOF) son comité directeur, suivi le lendemain par l’Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE). Les avis divergent sur la forme de la mobilisation, les discours n’ont pas des tonalités identiques, mais le même esprit se dégage : les organisations ressentent l’urgence de nourrir la fronde contre le projet de loi de santé.
Application du tiers payant aux titulaires de l’ACS : étape clé
La période est aussi délicate que stratégique. D’abord, nous sommes à la veille de la "généralisation" du tiers pays aux bénéficiaires d’une Aide à la complémentaire santé (ACS). Cette étape constituera un test tant pour les pouvoirs publics que pour les médecins. Si pour les premiers, l’enjeu est clair (ils doivent réussir sans encombre cette transition pour pouvoir continuer à défendre la faisabilité du système), pour les seconds l’appréhension de cet événement est plus complexe. Ils ne peuvent en effet s’opposer frontalement à l’application du tiers payant aux titulaires de l’ACS au risque de voir leur attitude taxée d’hostilité à la promotion de l’accès aux soins, ce qui affaiblirait leur crédibilité. Cependant, l’échec de cette étape permettrait de conforter leurs discours. Aussi, les syndicats avancent avec précaution. « L’UNOF qui a toujours été favorable au tiers-payant social, alerte le gouvernement sur la véritable usine à gaz que constitue la mise en œuvre au 1er juillet 2015 de l’Aide à la complémentaire santé (ACS) » alerte le syndicat de généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français qui ajoute : « Les tâches administratives des médecins généralistes vont être encore augmentées, transformant ces médecins en véritable guichet administratif au détriment du temps qu’ils consacrent à leurs patients. En l’état, l’ACS ne peut pas être mis en place au 1er juillet sous peine de voir naître une opposition massive de la part des médecins généralistes » assène encore l’UNOF dont le communiqué ne porte cependant pas majoritairement sur cette question et appelle plus largement à la "résistance" et à "la désobéissance civile".
Ne pas s’assoupir avant une rentrée chaude
Si la question de l’application du tiers payant aux titulaires de l’ACS doit être évoquée aujourd’hui, c’est que l’été risque d’être moins propice aux combats syndicaux. Les organisations redoutent que la torpeur estivale n’assourdisse leur message et laisse le champ libre au gouvernement. Pourtant, la rentrée sera un moment essentiel : d’une part parce qu’elle signera l’examen du projet de loi de santé par le Sénat (même si pour l’heure aucun calendrier n’est arrêté) et d’autre part parce qu’elle précédera les élections professionnelles (dont Marisol Touraine espère probablement qu’elles seront un moment de désunion assez fort pour reléguer au second plan le combat contre la loi de Santé). L’ensemble de ces enjeux a donc nourri un même mouvement au sein des organisations de praticiens libéraux.
Pas d’appel de Cochin
Répondant à la même dynamique, les syndicats se montrent plus dispersés en ce qui concerne la marche à suivre.
A l’issue de la réunion de Cochin, les idées ont fusé, mais aucun appel unanime ne s’est imposé. La suggestion du SML d’une grève "en alternance" au cours de l’été n’a pas fait mouche, tandis que la salle demeurait divisée entre le lancement dès aujourd’hui d’une action dure et le report d’un mouvement à la rentrée. Finalement le consensus qui s’est dégagé aura été de continuer à soutenir les initiatives locales durant l’été, avant que ne se dessine un véritable "blocage sanitaire". Partout en France, collectifs et comités se constituent en effet pour témoigner de la détermination des praticiens. Les menaces de déconventionement se multiplient et des chartes de "solidarité" voient le jour : elles promettent des déconventionnements massifs si un des médecins du groupe est l’objet de représailles de la part des Caisses d’assurance maladie pour non application du tiers payant. Marches, manifestations, fermetures ponctuelles, grève administrative et des gardes comptent parmi les principales actions de ces collectifs composés chacun de quelques dizaines de médecins. Fortement mobilisés, beaucoup s’affirment prêts au "blocage sanitaire".
Ce dernier verra-t-il le jour ? Pourra-t-il s’organiser en dépit des dissensions des syndicats ? Certains ont choisi de prendre les devants (ou de faire cavalier seul) : MG France a annoncé le lancement d’une grève reconductible le 5 octobre prochain.
Aurélie Haroche