
Los Angeles, le samedi 20 juin 2015 – Où qu’ils résident, les aficionados de jeux vidéos avaient le cœur à Los Angeles cette semaine. La grande messe du jeu vidéo, la conférence E3, s’y tenait en effet comme chaque année. Parmi les présentations les plus attendues, figurait (entre autres) celle du casque virtuel Oculus Rift, dont la firme Oculus VR (qui appartient à Facebook) avait déjà donné quelques aperçus avant la réunion. S’il ne nous appartient pas de juger de la qualité de ce casque, qui promet au joueur une véritable "immersion" en trois dimensions, la technologie utilisée par l’Oculus Rift n’a pas attendu d’être l’objet de démonstrations à l’E3 pour intéresser des joueurs d’un autre genre. Sciences et Avenir nous signale par exemple comment l’équipe de Jennifer Patterson de l’université de Pittsburgh développe un logiciel spécifique afin que le casque puisse être utilisé dans le cadre du traitement du syndrome de stress post traumatique (SPST). L’utilisation de la réalité virtuelle face à ce trouble n’est pas une idée neuve chez les chercheurs en psychiatrie. A l’Université du Québec en Outaouais, Stéphane Bouchard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en cyberpsychologie clinique explique : « L’idée, c’est que les personnes qui souffrent de ce problème ont vécu quelque chose de terrible, et c’est vrai, mais ils essaient de ne pas entrer en contact avec le souvenir et c’est en partie ce qui maintient le problème. Il faut être capable d’ouvrir lentement cet événement là pour en faciliter l’intégration en mémoire autobiographique » indique-t-il au site Télé Québec . Pour atteindre cet objectif, la réalité virtuelle peut s’avérer un atout important, ce qui explique l’intérêt des spécialistes pour Oculus Rift.
Les psychiatres bientôt remplacés par des avatars ?
Ce n’est pas la première fois que des technologies développées initialement par l’industrie du jeu vidéo aiguisent l’intérêt des chercheurs en psychiatrie, notamment face au SPST. Ainsi, le système Kinect, conçu par Microsoft pour permettre le contrôle d’un jeu vidéo sans utiliser de manettes n’a pas laissé indifférent les scientifiques qui s’intéressent à l’apport des nouvelles technologies. L’école d’ingénierie de l’université de Californie (USC Viterbi) a ainsi utilisé Kinect, associé à un micro et à une webcam pour mettre au point SimeSensei’s un programme dont l’objectif est de repérer chez des sujets potentiellement à risque (des anciens soldats par exemple ou des victimes d’accidents de la route ou d’agressions) des signes "non verbaux" de SPST ou de dépression. Ce programme permet de détecter dans les « expressions du visage, la posture, les caractéristiques sonores, la façon de parler, et les révélateurs de comportement de niveau supérieur » des indices pertinents. Les premières utilisations ont mis en évidence une grande efficacité quant au repérage de ces affections. Un tel dispositif pourrait permettre d’élargir le dépistage de ces troubles (et de réorienter les patients ainsi repérés auprès de vrais thérapeutes).
J'ai aimé parler avec Ellie
Mais certains commentaires de sujets ayant testé le système et sa thérapeute virtuelle Ellie vont jusqu’à suggérer que le programme lui-même pourrait être utilisé dans une visée thérapeutique. « J’ai aimé parler avec Ellie, parce que je ne me suis pas sentie jugée » a ainsi conclu un vétéran américain après l’avoir utilisé l’année dernière. Ces différents exemples marquent d’une part combien le transfert des technologies issues du jeu vidéo peut se révéler utile dans d’autres champs et confirme surtout, d’autre part, le rôle de plus en plus important joué par les nouvelles technologies et la réalité virtuelle en psychiatrie.
Léa Crébat