
Bangkok, le mercredi 29 juillet 2015 – Secouée par plusieurs scandales, notamment la découverte d’une véritable "usine à bébés", la Thaïlande a adopté en février une loi renforçant considérablement le cadre législatif autour de la gestation pour autrui (GPA). Désormais, notamment, cette pratique ne peut "bénéficier "qu’aux seuls Thaïlandais. Une nouvelle affaire révélée cette semaine confortera sans doute les législateurs thaïlandais dans leurs choix, car elle met une nouvelle fois en lumière les multiples écueils de sa tolérance passée et de son absence de règles. Celle qui est appelée "Oy" par les médias occidentaux était déjà enceinte lorsque la loi a été adoptée. Elle portait l’enfant d’un couple homosexuel masculin (composé d’un Américain et d’un Espagnol vivant aujourd’hui à Valence). Elle affirme n’avoir découvert qu’à la naissance que les "adoptants" du nouveau-né étaient deux hommes, indiquant que le contrat signé était en anglais, langue qu’elle ne maîtrise pas. Cette révélation semble avoir eu une incidence majeure sur son acceptation de la situation, même si elle affirme que ce n’est pas l’homosexualité du couple qui est en cause, mais ses inquiétudes pour l’avenir de l’enfant et sa réticence face à l’idée de le "vendre". Aujourd’hui, la petite Carmen est bien à la garde de Gordon Lake et Manuel Valero mais ces derniers ne peuvent quitter le territoire thaïlandais, faute de l’autorisation signée par la mère porteuse.
Abolir la GPA partout dans le monde
Cette situation ne devrait que raviver les critiques et les commentaires concernant la GPA et son "internationalisation". Cette affaire met en effet en évidence la difficulté, voire l’impossibilité de prévoir toutes les situations, d’éviter les drames et les déchirements familiaux. Elle confirme que le fait de porter un enfant ne peut être considéré comme un "commerce" comme les autres et que les contrats, même les plus aboutis, ne peuvent sans doute prévenir toutes les objections. Ce cas relancera ainsi sans doute les appels à une abolition mondiale de cette pratique. La philosophe Sylviane Agacinski, l’ethnologue Martine Segalen et la vice présidente PS de l’Assemblée nationale Laurence Dumont s’étaient exprimées dans ce sens dans une tribune publiée par Libération début juillet. Face aux difficultés juridiques d’un tel projet, à la probable opposition des états autorisant la GPA qui pourraient se montrer réticents à l’idée d’abandonner une pratique parfois (mais pas toujours) lucrative notamment grâce au "tourisme procréatif", la juriste Aude Mirkovic, citée par la Croix observe : « Engager une initiative internationale n’est jamais un long fleuve tranquille » avant de donner les exemples de la lutte contre l’esclavage ou la peine de mort et de conclure : « Au départ, il n’y a pas de consensus, mais c’est bien parce que des violations majeures des droits humains sont constatées que de telles démarches doivent être engagées ».
Léa Crébat