Etiquetage nutritionnel : le Haut conseil de santé publique redonne des couleurs à la méthode 5-C

Paris, le lundi 24 août 2015 – Depuis plus d’un an (y compris dans nos colonnes), les spécialistes français de la nutrition, conduits par le professeur Serge Hercberg (père du Programme national nutrition santé) défendent la mise en place dans notre pays d’un "étiquetage"  destiné à un repérage plus facile des qualités nutritionnelles des aliments industriels. Leurs préconisations ont été entendues par le gouvernement à l’heure de l’élaboration de la loi de santé : des dispositions y ont été introduites en vue de la mise en place de cet étiquetage.

Facultatif ou obligatoire ?

Cependant, au-delà des déclarations d’intention présentes dans le texte de loi (non encore définitivement adopté), plusieurs interrogations prégnantes demeurent. Il s’agit d’abord de déterminer si cet étiquetage sera obligatoire ou facultatif. En Grande-Bretagne où il existe depuis dix ans, son caractère  facultatif a probablement limité son impact. En France, les premières discussions s’orientaient cependant vers un dispositif non contraignant. Les tergiversations concernent également le système informatif à privilégier. Serge Hercberg et nombre de ses confrères plaident en faveur de l’adaptation des logos britanniques : il s’agit d’un code couleur comportant cinq niveaux, établi « à partir d’un score calculé, pour chaque aliment, sur la base des teneurs en « éléments nutritionnels » pertinents du point de vue de la santé publique négatifs et positifs » comme nous l’expliquait l’année dernière Serge Hercberg.

Des évaluations hautes en couleur

Ce dispositif cependant est contesté par les acteurs de la grande distribution qui ces mois derniers ont tenté de proposer leur propre système. Les supermarchés redoutent en effet que l’étiquetage préconisé par les spécialistes de la nutrition ne « stigmatise » certains aliments et préfèreraient que l’information donnée s’appuie sur les fréquences de consommation. Face à ces querelles, la Direction générale de la Santé (DGS) a saisi l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation (ANAES) d’une part et le Haut conseil de la santé publique (HCSP) d’autre part, afin qu’ils puissent trancher le débat. La première a rendu au printemps un avis mitigé sur le système coloriel britannique (également appelé méthode 5-C) jugeant notamment que pour certains aliments, le code ne permettait pas une distinction aisée entre différents produits et s’interrogeant sur ses bénéfices réels en terme de santé publique.

Le HCSP se montre bien moins sévère. Dans un rapport rendu public aujourd’hui, il considère que de tous les étiquetages existants, seul le système prôné par les nutritionnistes français est pertinent. Le HCSP assortit néanmoins cette évaluation positive de différentes recommandations comme la mise en place d’une « stratégie d’accompagnement et d’information du public » afin d’éviter tout caractère anxiogène d’un tel système. Il préconise également « d’intégrer l’apprentissage de ce système d’information nutritionnelle dans le parcours éducatif de santé en milieu scolaire » et enfin de « mettre en place un système de suivi et d’évaluation de l’impact sur les consommateurs et sur les entreprises ».

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Paradoxal

    Le 24 août 2015

    Ce sont les commerçants agroalimentaires qui font preuve de la démarche la plus pertinente, alors que les experts nutritionnistes s'enferrent dans une idée sans fondement.
    Etiqueter les produits selon leur supposée "valeur nutritionnelle" n'a jamais démontré avoir la moindre utilité pratique, et encore moins un impact sanitaire. En outre, peut-on vraiment dire qu'un aliment est "mauvais pour la santé" ? Si c'était le cas, mieux vaudrait en interdire la vente plutôt que de le signaler sur l'étiquette !
    Au contraire, recommander une fréquence de consommation est une véritable démarche pédagogique, dont les familles ont désormais grand besoin. Par exemple, mieux vaut manger des chips moins d'une fois par semaine plutôt que qu'ingurgiter tous les jours des chips étiquetées "meilleures que les autres".
    Le danger de l'étiquetage est moins de "stigmatiser" des aliments que d'en dédouanner d'autres. Tous les aliments sont intéressants, et tous sont potentiellement dangereux. Les familles à haut risque nutritionnel sont justement celles qui n'ont pas la capacité d'interpréter l'étiquetage, mais qui pourraient comprendre (et qui devraient apprendre) ce qu'est une fréquence de consommation recommandée.
    Outre celle, très légitime, d'informer utilement la population sur le "bien manger", la question-clé reste néanmoins celle de la qualité de la production alimentaire. Il n'est pas admissible que puissent être promus des produits transformés dont l'ingestion régulière est notoirement néfaste pour la santé. Plutôt que transférer la responsabilité de la malbouffe sur les consommateurs en les abreuvant d'étiquetages ineptes, mieux vaudrait une politique de santé publique qui puisse imposer des normes drastiques de qualité nutritionnelle dans la production alimentaire (industrielle autant qu'artisanale) et interdire toute promotion des produits ne les respectant pas.
    Pierre Rimbaud

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