
Paris, le samedi 29 août 2015 – Les journaux ont beau être pleins de ces histoires merveilleuses de personnes atteintes de maladies graves étant parvenues à force de volonté, de courage (et parfois aidées par la chance) à se forger une place au sein de la société, être handicapé ou simplement "différent" pousse quasiment systématiquement sur le bord du chemin. L’isolement, l’abandon, la solitude se muent alors sous les traits des peintres, des écrivains ou des cinéastes en sortilège, en malédiction.
Hanté par ses morts
Malédiction : ce pourrait être pour les ignorants de la génétique le terme parfait pour désigner le sort de Stani Nitkowski. D’autres nommerons cela « myopathie ». Elle emporta deux de ses quatre frères et sœur en bas âge et le clouera dans un fauteuil roulant à l’âge de 23 ans. Stani Nitkowski, né le 29 mai 1949 à La Pouëze n’avait rien de ces personnes souffrant d’un handicap qui décident de sourire à leur destin contrarié : sa maladie fit de lui un peintre à part, toujours torturé par les douleurs et les affres de son handicap. C’est une œuvre noire qu’il débute dans les années 70 exposant une première fois à Angers en 1974. Ses tableaux seront toujours considérés comme ne s’inscrivant dans aucune véritable école. Ils n’en demeurent pas moins fascinants et inquiétants, comme le découvriront ceux qui se rendront à l’exposition qui lui rend hommage au Centre Raymond Farbos à Mont de Marsan jusqu’au 12 septembre.
Contre la mort
La maladie tient également en dehors du monde l’héroïne du roman d’Eric Coste : L’extravagante Légende des Yeux de Sainte Lucie. Dans ce troisième opus, l’écrivain ne renonce pas à sa fascination pour la magie et le merveilleux. Ainsi, difficile de percevoir exactement ce qui dans la vie de Julie, atteinte d’une malformation cardiaque qui lui interdit tout effort et lui impose loin des agitations de la rue un calme absolu, relève de son imagination ou de la réalité. A-t-elle réellement réussi à identifier le secret de l’immortalité, une société secrète cherche-t-elle à s’en emparer, s’est-elle vraiment échappée de sa prison où laisse-t-elle son esprit vagabonder ? La lecture du roman laisse dans une douce incertitude.
Sans remords
Mais être "à part" n’offre pas seulement une porte insoupçonnée vers l’art ou l’imagination : c’est aussi une punition, une sanction. Un village entier accule ainsi chaque jour davantage Josef, jeune handicapé mental d’une trentaine d’années dont les étrangetés, les sautes d’humeur et les menus larcins vont bientôt être la cible de toutes les attaques. Coup de chaud, troisième film de Raphael Jacoulot raconte dans une atmosphère étouffante l’exclusion d’un handicapé mental, qui devient le bouc émissaire de tout un village, désireux de faire porter le poids de ses échecs et de ses douleurs sur un être différent. L’ambiance et l’interprétation de l’ensemble des acteurs permettent de retracer avec minutie les mécanismes d’un encerclement et d’un enferment. A voir.
Aurélie Haroche
Exposition :
Dessins et peintures de Stani Nitkowski, Centre d’art contemporain Raymond Farbos, 3 Rue Saint-Vincent de Paul, 40000 Mont-de-Marsan, jusqu’au 12 septembre
Livre :
L’extravagante légende des yeux de Sainte Lucie , d’Eric Coste, CreateSpace Independent Publishing Platform, 508 pages, 11,89 euros (l’intégralité des bénéfices des ventes est reversée à l’Association des malades du foie).
Cinéma :
Coup de chaud , de Raphaël Jacoulot, 12 août, (1h42)