
Paris, le samedi 12 septembre 2015 – Si les pères occupent dans la littérature une place importante, le parricide y est sur représenté. Les hommages se font plus rares, en demi-teinte. Pour une entrée en littérature, honnir son père, le tuer entre la page 80 et 100 est sans doute la promesse d’aiguiser la curiosité des médias et des critiques. Mais on ne trouvera pas de haine, de blessures et de martyrs dans le roman de Marie Griessinger. Dans ce premier livre dont le titre est un hommage lui-même à un poème de Prévert : « On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait en s’en allant », elle évoque avec tendresse et nostalgie l’amour pour son père, mort après avoir souffert pendant des années d’une maladie d’Alzheimer. Au-delà d’une dissertation sur la maladie, la perte de soi et l’abandon de l’esprit, le roman est une lettre d’amour à celui qui lui a fait découvrir l’Amazonie, le pouvoir de l’imaginaire et la force de la connaissance. Une façon de ne pas mourir, de ne pas être tué.
Ouest
L’hommage au père peut être plus ironique, un humour empreint de tendresse. Il faut dire que le père de Carole (interprétée par Sandrine Kiberlain) n’a pas la discrétion du Jean-Michel de Marie Griessinger. Colérique et facétieux, Claude Lherminier (incarné par le brillant Jean Rochefort) oublie peu à peu toute inhibition, conséquence de sa maladie et va faire traverser mille angoisses à si sérieuse fille aînée. Partant en Floride (le titre du film de Philippe Leguay) pour un dernier voyage, il est la figure ambiguë de l’homme qui refuse de se laisser vaincre par la maladie et tout en même temps le colosse abîmé par les affres de l’oubli. Une adaptation de la pièce de Florian Zeller (Le père) qui se transforme en bel hommage tout autant au père qu’à l’amour filial.
Est
Ce n’est pas un seul homme, mais tous les hommes et femmes d’une famille, qui sont les héros du dernier opus de Laurent Sekssik. Pour la rentrée littéraire, le radiologue va passer au rayon X une longue lignée de médecins juifs: de l’arrière grand-père Pavel parcourant la Russie tsariste jusqu’à Léna, cancérologue à Paris, en passant par Natalia victime du complot des blouses blanches et d’autres personnages ainsi marqués par l’Histoire et par leur amour de la médecine. Le roman haletant se lit comme un récit d’aventure. Plus qu’un hommage, une épopée.
Roman :
On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait en s’en allant
, de Marie Griessinger, Albin Michel, 128 pages, 12 euros
L’exercice de la médecine, de Laurent Sekssik, Flammarion, 325 pages, 20 euros
Cinéma : Floride de Philippe Leguay, sortie le
12 août, 1h50
Aurélie Haroche