PROUD marque un tournant dans la prévention de l'infection à VIH

Le dépistage du VIH et l’utilisation de préservatifs sont au cœur des stratégies pour réduire le risque de transmission du virus. L’efficacité des traitements anti-rétroviraux et leur instauration précoce ont réduit le nombre de patients porteurs du virus qui sont susceptibles de le transmettre. Malgré tout, le nombre de nouveaux cas n’a pas diminué au cours de la dernière décennie. D’autres stratégies sont donc nécessaires. Parmi elles, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) par une association ténofovir-emtricitabine a fait la preuve de son efficacité dans des essais randomisés contrôlés contre placebo chez des homosexuels masculins, des hétérosexuels à haut risque et des usagers de drogues intraveineuses. Toutefois, cette réduction du risque constatée au cours des essais cliniques, ne pourrait-elle pas être contrebalancée dans la "vraie vie" par un effet de compensation du risque ? Un tel effet peut se rencontrer chez des personnes qui se considèrent comme protégées et s’engagent alors dans des pratiques dangereuses.

C’est ce que l’étude PROUD, réalisée par une équipe du Royaume-Uni, cherche à évaluer. Au total 544 homosexuels masculins ont été inclus dans cet essai ouvert mais randomisé. Ils ont été répartis en 2 groupes. Les uns (n=275) ont reçu dès leur inclusion le traitement prophylactique consistant en une prise quotidienne en continu de 245 mg de ténofovir et 300 mg d’emtricitabine. Les autres (n=269) devaient commencer le PrEP seulement un an après les premiers.

Une prescription à 13 personnes pour éviter une contamination

Mais dès la fin des 6 premiers mois après la fin des inclusions, les résultats intermédiaires sont tellement en faveur du traitement prophylactique que le comité de pilotage décide de l’appliquer à tous les participants. En effet, si 3 cas d’infection par le VIH ont été recensés dans le premier groupe, ils sont 20 dans le second groupe, malgré 174 prescriptions de traitements post-exposition (réduction relative 86 % ; intervalle de confiance à 90 % [IC90] entre 64 % et 96 %). Cela signifie en d'autres termes qu’il suffit de prescrire la PrEP à 13 personnes pendant 1 an pour éviter une contamination par le VIH, ce qui s’avère être un rapport favorable, supérieur à celui d’autres modalités de prévention largement recommandées par les guidelines (comme par exemple la prescription de statines pour prévenir les accidents cardio-vasculaires).

Pendant la durée de l’étude, aucun effet indésirable grave n'a été rapporté, les effets secondaires les plus fréquents étant des nausées, des céphalées ou des arthralgies. Il n’a été constaté aucune différence entre les deux groupes en ce qui concerne la survenue des autres maladies sexuellement transmissibles, bien que les auteurs estiment qu’il y a certainement eu des comportements de compensation parmi les patients qui recevaient la PrEP.

Compte tenu du fait que les mesures de prévention semblent avoir atteint leurs limites, la réduction importante de l’incidence du VIH chez les personnes prenant la PrEP, sans augmentation significative des autres infections sexuellement transmissibles, devrait rassurer professionnels de santé. Les services nationaux de santé sont actuellement sous contraintes financières, mais ils ne pourront ignorer longtemps les résultats de cette étude PROUD, comme ceux de l’étude française IPERGAY (prophylaxie "à la demande"), qui sont en faveur de la PrEP en tant que mesure standard de prévention pour les homosexuels masculins à haut risque d’infection VIH.

Dr Roseline Péluchon

Référence
McCormak S. et coll. : Pre-exposure prophylaxis to prevent the acquisition of HIV-1 infection (PROUD): effectiveness results from the pilot phase of a pragmatic open-label randomised trial. Lancet 2015; publication avancée en ligne le 9 septembre (doi.org/10.1016/S0140-6736(15)00056-2)

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