
Paris, le samedi 3 octobre 2015 - Imaginez l’espace d’un instant la surprise: en retraçant les grandes lignes et évolutions de la jurisprudence sur la question de la responsabilité en cas d’accident vaccinal, l’auteur de cette chronique était loin d’imaginer la passion que pouvait susciter, y compris chez les médecins, la question des vaccinations (Complications des vaccinations : qui est responsable ?).
Dans ce contexte, il est intéressant de revenir sur certaines affirmations et de répondre à certaines questions soulevées par les lecteurs du JIM.
« L’Etat s’en sortira toujours » ? Pas si sûr !
Comme cela a été exposé dans le cadre de notre article, en cas d’accident directement provoqué par une vaccination obligatoire, le Code de la Santé Publique prévoit que la victime a la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat, sans avoir besoin de démontrer l’existence d’une faute.
Dans ce contexte, l’interrogation soulevée par l’un des lecteurs du JIM est légitime : comment prouver le lien entre le vaccin obligatoire et le déclenchement d’une pathologie ? En pratique, face à un tel accident, une expertise sera diligentée afin d’établir ou d’écarter le lien de causalité entre le dommage subi par le patient et la vaccination.
Devant les juridictions administratives, l’expert se doit de vérifier si « dans l’état des connaissances acquises de la science » le lien peut être établi entre l’injection de la valence obligatoire et la pathologie. L’expert se doit de s’appuyer sur des publications scientifiques pour établir si les complications apparues sont compatibles avec l’administration du vaccin.
Reste la question du doute qui peut exister dans le cas d’un vaccin associant des valences obligatoires et facultatives.
Dans une affaire jugée par la Cour Administrative d’Appel de
Marseille le 21 mai 2015, un nourrisson âgé de cinq mois avait reçu
une injection associant des valences contre la diphtérie, le
tétanos et la poliomyélite (vaccinations obligatoires) et une
valence contre la coqueluche (vaccin « recommandé »).
L'enfant présenta, dans la nuit qui a suivi la vaccination, une
fièvre fiévreux et un tableau de convulsion généralisée en
rapport avec une encéphalopathie compliquée d’un retard
psychomoteur important.
Si l’expert a établi qu’il existait « un faisceau d’indice de nature à établir ou faire présumer l’origine vaccinal » du dommage subi, l’expert a précisé dans le même temps que « les troubles présentés paraissaient devoir être mis en relation avec la vaccination contre la coqueluche ». Dans le doute, le Tribunal rejeta en première instance la demande d’indemnisation.
La Cour d’Appel infirma la décision, en appliquant une solution plus favorable aux victimes. Pour la Cour, l’expert ne peut se satisfaire d’hypothèses… pour exclure la responsabilité de l’Etat, il doit être démontré que « les séquelles sont exclusivement imputables et de manière certaine à la seule valence facultative », preuve impossible à rapporter en pratique. Sur ce point, la jurisprudence administrative est, dans l’ensemble, défavorable à l’Etat.
Comment le juge judiciaire fait le lien entre la vaccination et le dommage ?
La question de l’imputabilité du vaccin se pose également pour
les vaccins non-obligatoires.
Pour la jurisprudence judiciaire, le lien de causalité peut être
établi dès lors qu’il existe « des présomptions graves précises
et concordantes » entre la prise du produit et la survenance
de la maladie (par exemple, des complications survenues le
lendemain d’une vaccination…).
Reste le cas où un doute existe dans la communauté scientifique entre vaccination et survenance d’une maladie.
Lorsqu’il est impossible de prouver « scientifiquement tant le lien de causalité que l’absence de lien », la Cour de cassation considère que le doute dans la communauté scientifique ne lie pas le juge judiciaire. Dès lors qu’il existe des présomptions « graves précises et concordantes » entre l’injection du produit chez le patient et l’apparition de symptômes, alors la responsabilité pourra être retenue même en cas de désaccord dans la communauté scientifique (Cass. 1ère civ, 10 juillet 2013, Cass, 1ère civ, 26 septembre 2012). Là encore, la solution, retenue notamment dans le contentieux de la vaccination contre l’Hépatite B, est extrêmement favorable aux victimes.
Quelle responsabilité pour l’infirmier réalisant la vaccination ?
Autre question posée par un lecteur du JIM : la responsabilité de l’infirmier libéral réalisant un vaccin, hors de la présence du médecin, pourrait-elle être retenue ?
En principe, les dommages imputables à des vaccinations ne revêtant pas de caractère obligatoire relèvent de l'application du droit commun de la responsabilité des acteurs de santé. Dès lors, pour que la responsabilité de l’infirmier libéral soit engagée, le patient doit prouver que celui-ci a commis une faute.
Dans ce contexte, la responsabilité de l’infirmier pourra notamment être engagée en cas de mauvaise exécution du vaccin. Mais la faute de l’infirmier pourrait également aussi consister en une négligence. Par exemple, l’infirmier se doit de s’assurer de la régularité de la prescription médicale ou la date de péremption du produit.
Comment rapporter la preuve que le patient a bien été informé ?
Autre question importante posée par un lecteur : comment s’assurer que le patient a bien été informé ? En principe, pour la loi, la preuve de l’information du patient peut être rapportée « par tous moyens » (L.1111-2 al.7 du CSP).En conséquence, des témoignages, des attestations ou des indices pourraient permettre d’établir que l’information a bien été délivrée au patient…
Toutefois, se ménager une preuve écrite reste sans doute le meilleur moyen d’établir que l’information a bien été délivrée au patient…
Comme le suggère un médecin, il peut être intéressant pour le
médecin ou l’infirmier vaccinateur de disposer d’un document
d’information préétabli, à faire signer par le patient (ou ses
parents), permettant de prouver qu’il a bien été informé sur les
effets secondaires éventuels du vaccin non-obligatoire.
Charles Haroche - Avocat (Paris)