Faut-il avoir peur d’aimer les robots ?

Paris, le samedi 3 octobre 2015 – Comme le rappelle le psychanalyste Serge Tisseron (auteur d’un ouvrage récent intitulé Le jour où mon robot m’aimera. Vers l’empathie artificielle*) le fait de développer de "l’empathie" pour des objets est un phénomène très ancien. « L’être humain a toujours projeté ses repères intérieurs sur le monde environnant parce que c’est le seul moyen pour lui de tenter de le comprendre. Cela a donné les croyances animistes, mais pas seulement » rappelle-t-il dans une interview accordée à 01.net. Avec les robots, cette tendance ne pourra que s’accroître, notamment avec ceux conçus spécifiquement pour créer une interaction avec les humains.

Risquer sa vie pour un robot

Les manifestations d’empathie des humains à l’égard des robots ont déjà été observées et analysées. Certains se souviennent peut-être comment la vidéo présentant cet été le démembrement d’un robot auto-stoppeur avait provoqué l’indignation d’un  grand nombre d’internautes. Astrid Rosenthal-von der Pütten chercheuse à l’université de Duisburg-Essen dont les travaux sont consacrés à cette question avoue pour sa part qu’elle a commencé à s’y intéresser quand elle a constaté qu’elle éprouvait de la compassion en regardant une vidéo d’un robot dinosaure "pleurant". « J’ai donc voulu savoir si notre activité neuronale était identique lorsque nous recevions des stimuli de la part d’un être humain ou d’un robot » indique-t-elle, citée par les Echos. De son côté, Serge Tisseron a pressenti l’importance de ce sujet en découvrant que des soldats étaient capables de « ressentir tellement d’empathie pour leur robot qu’ils étaient capables de risquer leur vie pour eux, et d’autres souffrir de troubles psychiques quand leur robot était endommagé, comme s’ils y avaient placé une partie d’eux-mêmes. Les américains appellent cela l’embodiment, qu’on traduit par "encorporation" » décrit-il à 01.net.

Personne n’est aussi parfait qu’un robot

Si l’existence d’une empathie à l’égard des robots ne fait aucun doute, les démonstrations les plus extrêmes doivent-elles nous inquiéter ? Est-il dangereux d’aimer les robots ? C’est à cette question complexe que Serge Tisseron tente de répondre dans son ouvrage. Si on le sait, Serge Tisseron n’est nullement un ennemi des nouvelles technologies (il s’est plutôt rangé dans les rangs des "défenseurs" de l’utilisation des tablettes par les enfants que parmi les opposants les plus farouches), il signale cependant l’existence d’une menace. Outre les problèmes de protection de la vie privée (les robots enregistrant et transmettant potentiellement toutes nos confidences…), il remarque dans un entretien accordé au Figaro : « Les robots risquent de modifier l’idée que nous nous faisons d’une rencontre et d’un échange réussis. Nous aurons envie de rencontrer des partenaires aussi gratifiants et prévisibles que ces machines et cela risque de nous rendre encore plus intolérants au désaccord et aux frustrations qui accompagnement inévitablement la vie avec nos semblables. Ces problèmes ne sont pas sans solution. Mais à condition que nous osions et sachions nous poser dès aujourd’hui les bonnes questions » remarque-t-il. Ces solutions ne passent sans doute pas par la restriction de toutes les spécificités robotiques pouvant potentiellement favoriser l’empathie. Car cette affection vis-à-vis des robots revêt également très certainement des aspects positifs. Outre de permettre de lutter contre le sentiment de solitude (même virtuellement) si présent chez les plus âgés, cette relation privilégiée pourra avoir des intérêts thérapeutiques. « Si nous voulons qu’un robot puisse, par exemple, accompagner la rééducation d’une personne pendant plusieurs jours ou semaines, une certaine complicité devra s’instaurer : or, sans empathie, des deux côtés, cela ne sera pas possible » remarque ainsi Astrid Ronsehtal-von der Putten.

Aurélie Haroche

Référence
*Editions Albin Michel, 208 pages, 16 euros.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • L'empathie des robots

    Le 04 octobre 2015

    "Or, sans empathie, des deux côtés, cela ne sera pas possible" remarque ainsi Astrid Ronsehtal-von der Putten!… Peut-on vraiment mettre sur le même plan l'empathie ressentie par un humain vis-à-vis d'un robot et la simulation de l'empathie de ce même robot? Les deux côtés sont-ils identiques à ce point?

    Dr François Balta

Réagir à cet article