
Paris, le lundi 5 octobre 2015 – Dans la nuit de vendredi à samedi, le chaos s’est abattu sur l’hôpital de Médecins sans frontières (MSF) à Kunduz en Afghanistan. L’établissement qui accueillait une centaine de patients et comptait 80 professionnels de santé a été frappé par des bombardements qui se sont prolongés pendant plus d’une heure selon les responsables de l’association. Vingt-deux personnes sont mortes : dix employés et douze patients, dont trois enfants. Une grande partie des bâtiments sont aujourd’hui totalement inutilisables : l’unité de soins intensifs, les salles d’urgence et la kinésithérapie, frappées à plusieurs reprises ont notamment été quasiment balayées par la force de l’attaque.
400 blessés pris en charge en une semaine
L’ampleur des dommages et le traumatisme des employés, bouleversés et incrédules, ont conduit l’organisation à décider de quitter la ville de Kunduz. L’ensemble des patients ont été transférés vers d’autres établissements du pays, tandis que les responsables de MSF sont incapables de déterminer si l’hôpital pourra ou non rouvrir ses portes, comme l’a indiqué Kate Stegeman, porte-parole de l’ONG en Afghanistan. Cette fermeture, inévitable, ne fera qu’accroître les très grandes difficultés d’accès aux soins dans la région. L’hôpital de MSF était le seul à pouvoir assurer des soins de traumatologie de haut niveau. D’ailleurs, depuis la reprise des combats à Kunduz, il avait pris en charge un grand nombre de blessés : près de 400 personnes y ont été soignées entre le 28 septembre et le 2 octobre.
Des dommages collatéraux toujours plus nombreux
Aujourd’hui, cependant, la préoccupation de MSF n’est pas seulement de pouvoir assurer de nouveau un accompagnement satisfaisant à la population de Kunduz et de ses environs, mais d’obtenir la lumière sur l’attaque de ce week-end. De grandes zones d’ombre persistent (notamment quant à la présence de talibans à proximité ou à l’intérieur de l’hôpital dénoncée par le porte parole du gouvernement afghan) et beaucoup au sein de l’ONG demeurent convaincus que l’hôpital était visé. « La thèse du dommage collatéral ne tient pas » a ainsi affirmé Christopher Stokes, directeur général de MSF. Le caractère très ciblé des impacts et la poursuite des bombardements pendant plus d’une heure, alors même que la position de l’établissement avait été précisée à l’ensemble des forces combattantes par MSF et que l’association a donné l’alerte dès les premières minutes de l’attaque renforcent l’incrédulité de l’association. La promesse faite par Barack Obama de la réalisation d’une enquête n’a pas tout à fait apaisé les esprits, beaucoup redoutant qu’elle ne soit pas parfaitement transparente. L’ONG refuse en tout état de cause qu’un tel drame puisse être rangé sous l’expression valise de "dommage collatéral". « Cette attaque constitue une violation du droit international humanitaire. Nous exigeons une transparence totale des forces de la Coalition. Nous n’accepterons pas que ces dizaines de victimes soient considérées comme de simples dommages collatéraux » a ainsi fustigé Meinie Nicolai, présidente de MSF. Ces derniers, pourtant, ont été nombreux en Afghanistan depuis le début de l’intervention des forces alliés, accroissant considérablement la défiance des populations vis-à-vis d’elles.
Aurélie Haroche