Plusieurs études ont évalué les effets de l’acide acétylsalicylique sur le cancer, en particulier sur le cancer colorectal. Mais on ne dispose que de très peu de données sur les autres cancers digestifs. Raison pour laquelle une équipe conduite par Martine Frouws (Leiden) a récolté les données concernant 13 715 patients pour lesquels un diagnostic de cancer digestif a été porté entre 1998 et 2011 et retenu celles des 8,6 % de sujets qui ont commencé à prendre de l’acide acétylsalicylique après le diagnostic de leur cancer. Dans ce dernier groupe de population (où les cancers colorectaux prédominaient : 42,8 % de l’ensemble), les résultats sont sans équivoque dans une population et font apparaître une survie globale à 5 ans nettement plus élevée : 75 % contre 42 %. Ce bénéfice est évident pour tous les cancers digestifs, après ajustement en fonction de l’âge, du sexe, d’un recours à la chirurgie ou à la radiothérapie ou à une chimiothérapie, à l’exception cependant des cancers pancréatiques. Ces données ont suscité la mise sur pied d’un essai randomisé contrôlé prospectif avec de l’acide acétylsalicylique à la dose de 80 mg/jour. Pour expliquer les bénéfices liés à la prise de cette molécule qui n’est plus vraiment nouvelle, les experts évoquent le fait que les cellules tumorales circulantes ont tendance à s’agglutiner autour des plaquettes. Dans la mesure où l’acide acétylsalicylique exerce un effet antiagrégant, ces cellules tumorales circulantes se retrouvent ‘nues’ dans la circulation générale et donc plus facilement repérables et destructibles par les cellules immunitaires.
Il est dès lors prématuré de faire de ce traitement un prérequis pour tout patient diagnostiqué avec un cancer digestif, car l’acide acétylsalicylique n’est pas dépourvu d’effets secondaires, même à faible dose, estiment ces experts. Cependant, dès qu’un risque thromboembolique est présent, qu’il soit lié au cancer ou non, la prescription se justifie dans tous les cas. Il reste encore à déterminer le dosage idéal, la durée éventuelle du traitement et l’influence des facteurs génétiques comme c’est le cas pour les autres AINS.
Dr Dominique-Jean Bouilliez