
Paris, le jeudi 26 novembre 2015 – Les difficultés rencontrées après un cancer pour souscrire un emprunt sont dénoncées depuis de nombreuses années. Une première réponse a été apportée en 2001 avec la création, sous l’impulsion du député socialiste Jean-Michel Belorgey, de la convention Aeras (S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé ) mettant en place un dispositif censé faciliter l’accès aux prêts des personnes malades. Cependant, ce système méconnu et complexe, est loin d’avoir répondu aux enjeux en présence. A l’heure de la présentation du troisième plan cancer, François Hollande a suggéré d’aller plus loin et d’instaurer un véritable « droit à l’oubli » pour les patients ayant souffert d’un cancer. Les modalités de ce nouveau système devaient être précisées par le projet de loi de santé.
Des sénateurs qui n’oublient pas les attentes des patients
Lors de leur première lecture, députés et sénateurs ont entériné ce principe et les élus du Palais du Luxembourg ont proposé des conditions qui semblaient parfaitement répondre aux attentes des associations de lutte contre le cancer. Les sénateurs ont en effet considéré que ce droit à l’oubli pourrait être invoqué cinq ans après la fin des traitements pour les patients ayant souffert d’un cancer dans l’enfance et pour les cancers dont le pronostic dépasse les 80 % de survie à cinq ans. Pour les autres, la possibilité de taire l’existence d’un cancer aurait été acceptée dix ans après la fin de la prise en charge médicale.
Une absence de distinction de mauvais pronostic ?
Cependant, à l’occasion du retour du texte à l’Assemblée, un amendement déposé par le député socialiste Hélène Geoffroy a été adopté par la commission des Affaires sociales qui gomme la distinction entre cancers de bon pronostic et les autres. Désormais, à l’exception des personnes ayant été malades pendant leur enfance, le droit à l’oubli ne pourra s’imposer qu’à partir de 10 ans. Il s’agit cependant d’une appréciation globale de la situation, qui pourra être précisée au cas par cas dans le cadre des textes d’application et des négociations avec les assureurs. « La grille négociée entre les assureurs, les pouvoirs publics et les associations de malades va dire, en fonction des avancées de la science, si on pourra ne pas payer de surprimes, ne pas être exclu des assurances, à partir du moment où il n’y a plus de risque de rechute », précise interrogée sur RTL Hélène Geoffroy, qui tient par ailleurs à souligner que l’instauration de ce « droit à l’oubli » représente une véritable révolution.
La « révolution copernicienne » des assureurs
Du côté des associations de patients, on se montre cependant déçu et on espère qu’en séance, ce vendredi 27 novembre, les députés choisiront de conserver la rédaction des sénateurs. Ces organisations se montrent en effet réticentes à une « négociation » au cas par cas avec les assureurs et auraient préféré un cadre général plus protecteur. Fer de lance de cette contestation, Céline Lis-Raoux, directrice de la rédaction de Rose Magazine, dédié à la lutte contre le cancer du sein est cependant parfaitement consciente qu’il s’agit « d’un amendement d’équilibre entre malade et assureurs ». Ces derniers, en effet, en acceptant ces nouvelles règles, dérogent d’une certaine manière à ce qui constitue le principe des assurances privées : accepter de couvrir les risques… sans pourtant prendre des risques démesurés et en les évaluant. A cet égard, au printemps dernier, quand commençaient les discussions autour du droit à l’oubli, la Fédération française des sociétés d’assurance avait qualifié cette évolution de « révolution copernicienne ».
Léa Crébat