Se dire

Paris, le samedi 19 décembre 2015 – D'aucun pense que l’œuvre d’un écrivain, d’un cinéaste ou d’un peintre porte toujours une trace de soi, un témoignage de son être. D’autres veulent croire que l’art est une échappatoire totale. Beaucoup, enfin, assument parfaitement ce fil autobiographique, même si le témoignage est plus ou moins authentique. My Skinny Sister n’est pas l’histoire de Sanna Lenken. Mais ce film, bien sûr, parle d’elle et de sa maladie, l’anorexie mentale. Stella est une petite fille ronde et joyeuse qui vit dans l’ombre de sa grande sœur longiligne et aimée de tous, Katja. Dans le rapport fusionnel et destructeur entre les deux enfants, se dessine le portrait de l’anorexie mentale, des souffrances, de l’incompréhension des autres, du rapport au corps et à soi. La douceur et l’émotion du film offrent un très beau témoignage sur cette pathologie et une lumière nouvelle sur le passage de l’enfance à l’adolescence.

Noir et blanc

Ce moment fut particulièrement cruel pour Tiana, jeune fille qui évoque pour sa part, sans aucun filtre, sans la protection de la fiction, son enfance et son adolescence, dans le livre témoignage Je suis un zèbre. On y suit le destin de cet enfant, qui se distinguait des autres, par ces questions incessantes sur le fonctionnement de l’univers, la vie, la mort. Cet enfant, qui dormait mal, assaillie par l’entortillement des interrogations. Cet enfant que ses professeurs ne comprenaient pas, parfois bluffés par ses fulgurances et désespérés par ses lacunes. A l’adolescence, l’incompréhension et le vide se creusent un peu plus. La solitude est la rançon de cette différence, sur laquelle personne ne parvient à mettre un nom. Les visites chez les psychologues et pédopsychiatres se succèdent, jusqu’à ce que ce soit posé un diagnostic singulier : celui de surdoué. « Je me suis rapidement sentie à ma place. (…) Ce sentiment étrange d'appartenir à un groupe, de rentrer dans une norme, me procurait un grand sentiment de soulagement », raconte le zèbre, qui si elle ne se sent pas aujourd’hui parfaitement en « bonne santé » et sereine a trouvé son chemin.

Couleurs

Pour Rémi Zaarour, alias Pozla, dessinateur de bande dessinée, la maladie s’est déclarée à l’entrée à l’âge adulte, même si les douleurs abdominales ont jalonné son adolescence. Mais bientôt, ce ne sont plus uniquement des désordres intestinaux, c’est une pathologie grave : la maladie de Crohn. Dans Carnet de santé foireuse, Pozla donne des traits à la maladie. Au parcours de soins, bien sûr, à la recherche du traitement et du médecin idéaux évidemment, mais également à la douleur, à ce que le patient ressent au plus profond de soi. « Crohn, c'est une maladie à tabous multiples, parce que c'est une maladie, et parce que ça concerne le caca. Alors on en parle très peu», remarque Pozla, interrogé par le Figaro, qui espère avec ses dessins pouvoir briser ce silence. « J’ai d'abord dessiné pour moi, parce qu'en me concentrant, en grattant le papier, la douleur passait au second plan », indique-t-il encore. Mais bientôt, il a pris conscience que ce témoignage pourrait être éclairant pour les autres malades.

Parce que parler de soi, c’est aussi parler aux autres et des autres.

Cinéma :

 My Skinny sister, de Sanna Lenken, sortie le 16 décembre, 1h35

Livre :

Je suis un zèbre, Tiana, éditions Payot, 176 pages, 16 euros
Bande dessinée :

 Carnet de santé foireuse, Pozla, Delcourt, 368 pages, 34,95 euros

Aurélie Haroche

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