Sillon de femmes

Paris, le samedi 9 janvier 2016 – Trouver sa voie. Un sillon où tout serait à sa place : les origines, le chemin et l’aboutissement. Un sillon où le corps épouserait avec harmonie les aspirations du monde. Les bouleversements sont souvent au rendez-vous de cette quête, même lorsque la ténacité est sans faille. Avec un prénom comme le sien, elle aurait pu croire que rien ne lui résisterait. Ce désir de contrôle, cette ivresse du pouvoir, cette folie de se penser invincible est d’ailleurs au cœur de sa maladie. Pourtant, sur le chemin de Victoire, c’était d’abord l’esprit qui devait rester maitre. Elle préparait Sciences Politique quand sa silhouette a été repérée dans la rue. Elle a échoué au concours et c’est à une autre forme d’excellence qu’elle s’est alors vouée. Dévastatrice. Victoire Maçon Dauxerre évoque dans Jamais assez maigre publié cette semaine sa descente aux enfers et son arrivée au sommet. Pendant plusieurs années, la jeune fille a tutoyé sur les podiums les plus grandes vedettes du mannequinat. Pour atteindre ce graal auquel elle ne s’était jamais destinée, elle a accepté les diktats imposés par les agences de mannequins et les directeurs de casting : maigrir, encore maigrir. Si les causes de l’anorexie mentale dont a souffert Victoire Maçon Dauxerre et dont elle présente encore quelques symptômes sont nécessairement complexes, la jeune femme confirme avec force le caractère destructeur du monde de la mode, son hypocrisie, ses vices. «On me voulait certes, mais maigre. J’étais belle parce que j’étais maigre. C’était ma seule valeur. Mais plus je maigrissais, plus je me sentais grosse. L’anorexie est un cercle vicieux. L’ironie est que l’on me demandait de maigrir alors que mes photos étaient la plupart du temps retouchées. On me rajoutait des cuisses, des joues… ». Aujourd’hui, Victoire a quitté les podiums après être descendue à 47 kilos pour 1,78 m. Elle en compte aujourd’hui quatorze de plus mais ne se dit pas totalement guérie de cette période de sa vie où elle n’a été qu’un corps.

Goût amer

Les corps, Elisa (interprétée par Céline Sallette) les soigne. Elle est kinésithérapeute. Elle a un enfant, un mari. Pourtant, le chemin se dérobe sous ses pieds. Ce qui lui manque, ce sont les prémices, les débuts, les "Il était une fois". Elisa a été abandonnée à la naissance et elle vient d’apprendre que sa mère biologique refusait de lever l’anonymat de son accouchement sous X. Sans savoir réellement ce qui l’y porte, elle décide alors de regagner la ville où elle est née avec son fils Noé. Là, elle va soigner, sans le savoir, la femme qui lui a donné la vie, Annette (interprétée par Anne Benoît). C’est par le corps que le lien se crée… ou plutôt qu’il se renverse. La jeune mère qui souhaitait retrouver son origine s’en détache bientôt en apprenant à connaître une femme dont elle ne partage pas les valeurs, tandis qu’Annette, soulagée du poids des années contrariées par les massages et les manipulations, va s’ouvrir à un autre possible. Dans ces sillons croisés et contrariés, la réalisatrice Ounie Lecomte qui s’est déjà penchée sur la question de l’abandon dans son premier film, propose une réflexion fine sur l’identité et sur le jeu des ressemblances et des différences.

Goût des merveilles

L’autre semble totalement différent dans Le Goût des merveilles, film poétique d’Eric Besnard. Pierre (interprété par Benjamin Lavernhe de la Comédie française) est en effet atteint du syndrome d’Asperger. Son rapport au monde, son refus d’affronter le regard de ceux qui l’entourent, ses décisions irrévocables pourraient l’entraîner sur un chemin glissant, sans cesse changeant, déstabilisant. Pourtant, c’est le chemin de Louise (Virginie Efira) qui est malmené. Elle vacille entre sa volonté de préserver son exploitation familiale et l’éducation de ses deux enfants qu’elle doit assumer seule. Elle vacille sous les remontrances de ses proches et des habitants de son village. Quand elle heurte Pierre sur une route, ce dernier s’impose alors dans sa vie et lui propose une autre voie, illuminée par un certain « goût des merveilles ».

 

Récit : Victoire Maçon Dauxerre : Jamais assez maigre : Journal d’un top model, Edition les Arènes, 272 pages, 18 euros

Cinéma :

Je vous souhaite d’être follement aimée, d’Ounie Lecomte, 1h40, sortie le 6 janvier

Le Goût des merveilles, d’Eric Besnard, 1h40, sortie le 16 décembre

Aurélie Haroche

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