Une idée impayable de l’Assurance maladie : une prime à l’application du tiers payant !

Paris, le jeudi 21 janvier 2016 – Nul besoin de le répéter : la généralisation du tiers payant prévue d’ici la fin 2017 pour l’ensemble des consultations médicales est la mesure du projet de loi de Santé qui a soulevé la plus forte contestation chez les médecins. Outre la surcharge administrative que représentera la mise en place de ce système, les praticiens refusent un dispositif qui contribuera à renforcer le contrôle de l’Assurance maladie sur leur activité et à accroître le rôle des mutuelles. N’entendant nullement ces arguments, le gouvernement a toujours feint de croire que l’opposition reposait uniquement sur des inquiétudes techniques. Aussi, après avoir plusieurs fois insisté sur le fait qu’aucune sanction n’était prévue vis-à-vis des médecins réfractaires (ils pourraient être nombreux),  l’Assurance maladie et le gouvernement planchent actuellement sur une incitation financière. Ainsi, comme le révèle aujourd’hui le Figaro, dans le cadre de la Rémunération des objectifs de santé publique (ROSP), une nouvelle prime pourrait être créée qui récompenserait l’application du tiers payant sur un pourcentage « très significatif » d’actes, selon un responsable de l’Assurance maladie, cité par le Figaro.

Mépris payant ?

L’idée bien sûr est loin de séduire les responsables syndicaux. Alors que l’information était publiée ce matin par le Figaro, le patron de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Jean-Paul Ortiz accueillait cette nouvelle sur Twitter d’un sonnant : « C’est non ! ». Dans le quotidien, il détaille sa position en précisant : « Nous ne voulons pas faire entrer dans la future convention, qui nous liera pour cinq ans à l’Assurance maladie, une obligation légale – la généralisation du tiers payant – que nous combattons de toutes nos forces ». Au-delà, les médecins pourraient être nombreux à rejeter une offre qui, une fois encore, méprise leurs arguments et tentent d’acheter leur adhésion à moindre frais. On remarquera par ailleurs que le tiers payant ne doit pas uniquement s’appliquer aux médecins : quel sort entend réserver l’Assurance maladie aux autres professionnels de santé ? Leur sera-t-il également proposé une prime à l’application du nouveau système ou seront-ils oubliés ? Néanmoins, il n’est pas impossible qu’avec une telle suggestion, l’Assurance maladie parvienne à créer des divisions au sein des syndicats.

Le C à 25 euros, d’accord mais avec des cotisations sociales moins bien prises en charge !

Une telle idée n’est pas sans placer l’ouverture des négociations conventionnelles en février sous des auspices peu engageants. De fait, les autres informations diffusées par la presse quant aux propositions qui pourraient être faites par l’Assurance maladie (qui réunit aujourd’hui son conseil pour présenter les objectifs de la négociation) n’offrent pas toutes des perspectives réjouissantes, même si elles ont parfois, à l’instar de la prime au tiers payant, une apparence positive. Il semble tout d’abord que les généralistes pourraient obtenir gain de cause et voir le C passer de 23 à 25 euros. Cependant, pour éviter que cette augmentation ne pèse trop sur les deniers publics (notamment en raison de la hausse mécanique de la prise en charge des cotisations des généralistes), la diminution de la participation de l’Assurance maladie à la prise en charge des cotisations est au programme. Une idée qui bien sûr est loin de réjouir le patron de MG France, Claude Leicher qui remarque dans le Figaro : « C'est un mauvais tour de passe-passe, car cela reviendrait à faire peser davantage la rémunération des médecins directement sur les patients ». Pour les spécialistes, il n’y aura pas même la satisfaction d’une progression globale des tarifs, puisque seule une hausse de certains actes techniques serait envisagée.

Des rémunérations modulées en fonction des zones d’installation ?

Autre chantier souhaité par Marisol Touraine dans sa feuille de route adressée au patron de l’UNCAM : les négociations devront s’atteler à une refonte de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP). Pas sûr cependant que cette rénovation prenne en compte les critiques "médicales" émises ces dernières années. Autre sujet susceptible de créer quelques grincements de dents, l’UNCAM envisage selon les Echos de « moduler certains éléments de rémunération, notamment forfaitaires selon les zones d’installation ». Enfin, sont souhaités selon les Echos la « refonte des forfaits existants », pour prendre notamment mieux en compte « les nouvelles organisations et les nouvelles modalités de prise en charge » et un renforcement des actions de prévention.

Des syndicats rassemblés

Face à ces orientations qui se dessinent avec plus de précisions (même si des zones de flou persistent), les syndicats pourraient se présenter en un front uni. Des discussions sont en cours pour aboutir à une telle cohésion. Les syndicats ont ainsi prévu de se retrouver le 28 janvier et le 11 février, date de l’ouverture de la conférence santé souhaitée par le Premier ministre et que toutes les organisations ont décidé de boycotter rappelle dans son dernier point hebdomadaire la Fédération des médecins de France (FMF).


Edit à 15h : L'Assurance maladie a nié en début d'après-midi vouloir mettre en place une telle prime dans le cadre de la Rémunération sur objectif de santé publique (ROSP). "La rémunération sur objectifs de santé publique est par essence liée à des objectifs de santé publique et d'efficience des soins, et n'a jamais eu pour vocation d'assurer le respect d'obligations légales", souligne l'Assurance maladie. "Lier tiers payant et Rosp constituerait donc un non-sens", a-t-elle réagi auprès de l'AFP. A suivre.

Aurélie Haroche

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