
Limoges, le mardi 2 février 2016 – L’importante de l’épuisement professionnel chez les professionnels de santé et notamment les médecins est rappelée depuis de nombreuses années par les syndicats et organisations professionnelles. On se souvient par exemple comment en 2014 l’Union française pour une médecine libre (UFML) avait imaginé une petite mise en scène présentant des blouses blanches terrassées les unes après les autres sous le poids des tâches administratives, du harcèlement des caisses et des journées à rallonge.
Les enquêtes, surtout régionales, se sont multipliées pour confirmer l’ampleur du phénomène.
Hospitaliers et généralistes en zone rurale et péri-urbaines en première ligne
Une étude menée dans le Limousin par le Conseil régional de l’Ordre avec le soutien de l’Agence régionale de Santé (ARS) complète ces données et offre pour la première fois un panorama de l’ensemble de la profession : médecins libéraux et hospitaliers ayant été concomitamment interrogés. Ainsi, sur les 2 536 praticiens sollicités, 44 % ont répondu à un auto questionnaire. Il apparaît qu’un médecin sur cinq peut être considéré en état d’épuisement professionnel, une situation qui concerne en particulier les médecins hospitaliers, âgés de 50 à 60 ans. Le burn out sévère menacerait pour sa part un praticien sur dix dans le Limousin. Ici, ce sont les omnipraticiens qui sont les plus exposés, en particulier ceux installés dans les zones rurales ou péri-urbaines.
Difficultés avec les instances administratives… et avec les patients !
A l’origine de cette situation, il semble que l’on peut pointer une charge de travail jugée trop importante par deux médecins sur trois. On retrouve également fréquemment exprimée des plaintes concernant les rapports avec les autorités administratives. Les médecins sont par ailleurs nombreux à évoquer des difficultés de relations avec leurs patients (40 %). D’une manière générale, un praticien sur deux indique avoir été victime de violences physiques ou verbales au cours des deux dernières années. Conséquences de ce climat délétère, la consommation de psychotropes n’est pas rare et concernerait jusqu’à un médecin sur cinq dans le Limousin (un sur six indique prendre des anxiolytiques et un sur douze des antidépresseurs). Enfin, on relève qu’une personne interrogée sur six indique avoir nourri des pensées suicidaires ces vingt-quatre derniers mois, soit une proportion plus importante que dans la population française. Néanmoins, les difficultés professionnelles ne paraissent que rarement être la cause unique de cette souffrance aigüe.
Préventions ciblées
Ces résultats doivent cependant être nuancés par leur caractère auto-déclaratif et par un probable biais de sélection. « Globalement les médecins vont bien, mais il y a en a quand même 30 % qui témoignent de signes de souffrance au travail » analyse ainsi de façon contrastée le directeur de l’observatoire de santé du Limousin, Jean-Pierre Ferley.
Cette situation mérite une attention soutenue des pouvoirs publics, car elle n’est sans doute pas sans impact sur la qualité des soins. « Un médecin qui souffre n’est probablement pas en capacité de donner le meilleur de lui-même et de prendre en charge, efficacement la souffrance de ses patients » remarque l’Agence régionale de la Santé (ARS). Dès lors, une telle enquête, qui conforte les résultats de sondages antérieurs, offre des pistes intéressantes pour la mise en place d’actions de prévention ciblées. Des actions d’autant plus importantes que les médecins sont souvent dans le déni de leurs propres difficultés. Des initiatives de plus en plus nombreuses ont vu le jour ces dernières années pour leur apporter un accompagnement spécifique. Ainsi, dans le Limousin, l’association Mots offre une assistance 24h24. L’année dernière, elle a ainsi pu prendre en charge quatorze médecins souffrants de burn out sévère.
Aurélie Haroche