SEP, les leçons d’un échec

Depuis 20 ans, les neurologues impliqués dans la prise en charge de la sclérose en plaques voient leur arsenal thérapeutique s’enrichir avec la mise à disposition de molécules immunomodulatrices ou suppressives ciblées et originales. Ces nouveaux médicaments ont démontré une efficacité significative au stade de début de la maladie et permettent d’entrevoir des possibilités de rémission dans cette pathologie anciennement de sinistre réputation. Ces victoires sont cependant amoindries par l’absence d’efficacité sur les formes progressives. Beaucoup d’espoir se sont portés sur le fingolimod, premier médicament d’une nouvelle classe thérapeutique, les modulateurs des récepteurs de la sphingosine -1-phosphate. Son mécanisme d’action original, sa tolérance satisfaisante, son plan de gestion de risques précis et son mode d’administration en faisaient un candidat sérieux. Malheureusement cette molécule vient aussi d’échouer dans cette forme clinique de SEP.

Pas d’effet positif du fingolimod dans les SEP progressives

Pourtant l’étude INFORMS randomisée, contre placebo, en double aveugle s’était donné les moyens de réussir puisqu’elle a concerné 970 patients. Afin d’augmenter sa sensibilité, le critère principal d’évaluation utilisé était composite associant le score classique de l’EDSS (Expanded Disability Status Scale) à un temps de marche et de réalisation d’une tache motrice (Peg board) pour évaluer la progression du handicap à 3 mois. L’étude a été réalisée dans 148 centres et les patients ont été suivis pendant au moins 36 mois. La dose de fingolimod administrée a été modifiée en cours de protocole passant de 1,25 mg à 0,5 mg, le développement de cette dernière dose ayant été arrêté.

Malheureusement, l’analyse statistique n’a pas montré d’effet positif sur le critère principal et sur la perte de volume cérébral. Cet échec est amer au vu de l’investissement des différentes équipes mais peut être source d’enseignements multiples. Les données de sécurité rappellent les rares risques connus et gérés par le plan de gestion des risques : bradycardie, BAV, infections, œdème maculaire. Quarante deux pour cent des patients étant âgés de plus de 50 ans, l’absence d’augmentation du risque dans cette population plus vulnérable est une bonne nouvelle. La population sélectionnée avait bien les caractéristiques de la forme progressive notamment en IRM. En effet, moins de 15 % avaient une activité inflammatoire (cible principale des immunomodulateurs) et une faible charge lésionnelle.

Des formes cliniques mais aussi neuropathologiques différentes

Dans un éditorial, Segal et Stüve reprennent les arguments des auteurs de cet essai international pour rappeler les différences entre les 2 formes cliniques de sclérose en plaques, la forme classique dite rémittente se caractérisant par une évolution par poussées, une activité inflammatoire plus importante à l’IRM et une évolution plus lente. Sur le plan neuropathologique, il existe aussi des différences. La SEP rémittente a longtemps été considérée comme une affection en rapport avec une inflammation avec infiltration lymphocytaire périveinulaire. Des travaux plus récents ont aussi montré l’implication de follicules lymphocytaires méningés. Dans la forme progressive, ces deux dernières anomalies sont absentes. Il existe une activation gliale et lymphocytaire diffuse dans la substance blanche « d’allure normale » et une inflammation diffuse méningée avec des lymphocytes B et T associée à une démyélinisation corticale. Dans la forme rémittente ont été testées avec succès des molécules agissant préférentiellement sur les lymphocytes B comme le rituximab et l’ocréluzimab. Ces dernières ont aussi été évaluées dans la forme progressive dans les études OLYMPUS et PROMISE. L’analyse post hoc a montré un impact dans les sous-groupes des sujets jeunes avec présence de lésions.

Toutes ces données suggèrent que l’inflammation est qualitativement et quantitativement différente entre les deux groupes. Ce fait devra faire l’objet d’études précises et devra guider le choix des nouvelles molécules et le timing des essais thérapeutiques.

Dr Christian Geny

Références
Lublin F et coll. on behalf of the INFORMS study investigators. : Oral fingolimod in primary progressive multiple sclerosis.
Lancet. 2016; publication avancée en ligne le 27 janvier. doi: 10.1016/S0140-6736(15)01314-8.

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