Vincent Lambert : son épouse nommée tutrice, l'imbroglio se poursuit

Paris, le jeudi 10 mars 2016 – Nouveau rebondissement dans "l’affaire" Vincent Lambert, qui a vu se multiplier les péripéties judiciaires et médicales ces deux dernières années. On s’en souvient, le CHU de Reims avait, l’été dernier, créé la surprise en décidant de ne pas s’engager dans un processus d’arrêt des soins, pourtant proposé par ses équipes et dont la légitimité avait été confirmée par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme, en raison de l’extrême tension entourant le patient. Souhaitant revenir à une situation permettant d’envisager le cas de Vincent Lambert avec davantage de sérénité, le CHU avait appelé à la nomination d’un tuteur.

Rachel, opposée au principe de la mise sous tutelle, cependant prête à l’assumer

Le 1er février, la famille de Vincent Lambert a donc été reçue au tribunal de grande instance de Reims. Une fois encore, les proches du tétraplégique dans un état pauci végétatif depuis huit ans se sont opposés sur à la pertinence d’une telle démarche. Ceux qui aux côtés de Rachel, l’épouse de l’infirmier, souhaitent que soient interrompus les traitements qui le maintiennent en vie et qui seraient en contradiction avec les souhaits de Vincent, estiment qu’une mise sous tutelle ne fera qu’entraîner une attente supplémentaire. De fait, un grand nombre des décisions importantes nécessitera de s’en référer au juge des tutelles, ce qui suppose non seulement des délais de traitement du dossier et la possibilité de multiples recours. Néanmoins, Rachel Lambert considérait qu’étant déjà la tutrice de ses biens et ayant été avant l’accident de Vincent sa plus proche confidente, elle était la plus à même de remplir cette nouvelle mission. La Cour européenne des droits de l’homme avait d’ailleurs considéré qu’elle était sans doute la personne la plus apte à restituer la "volonté"de Vincent Lambert.

Les parents de Vincent Lambert rêvent d’un changement de position du CHU

Les parents de Vincent Lambert et plusieurs de ses frères et sœurs qui sont pour leur part totalement opposés à "laisser" mourir le patient et qui estiment qu’il doit être considéré comme un "grand handicapé" qui devrait recevoir des soins supplémentaires étaient pour leur part plutôt favorables à la mise sous tutelle. Ils espéraient qu’une telle mesure permette de renouer un dialogue, non pas avec la partie de la famille souhaitant l’arrêt des soins, mais tout au moins avec l’hôpital. Ils jugeaient notamment que cette demande de mise sous tutelle manifestait probablement la volonté du CHU d’envisager une autre issue que l’arrêt des soins.

La juge des tutelles va à l’encontre du procureur de la République

Face à une telle situation, le procureur de la République avait recommandé la désignation d’un tiers, comme cela est fréquemment observé dans les cas aussi conflictuels. Rachel Lambert devait être désignée comme subrogé tuteur, suggérait-il tandis qu’il n’avait pas fait écho à la demande des parents que le demi-frère de Vincent, David Philippon soit également nommé subrogé tuteur.

Coup de théâtre ce jeudi 10 mars : la juge des tutelles a décidé de désigner Rachel Lambert tutrice de son mari, tandis que l’Union départementale des affaires familiales a été choisie pour être le subrogé.

Des rebondissements juridiques multiples encore à prévoir

Inattendue cette décision ne signifie cependant nullement que la procédure d’arrêt des soins interrompue et à laquelle est favorable Rachel Lambert sera très rapidement engagée. Un tuteur n’a nullement un tel pouvoir, puisque l’arrêt des soins ne peut être que décidé par l’équipe médicale. En l’absence de directives anticipées écrites par Vincent Lambert, la nouvelle loi sur l’accompagnement de la fin de vie ne peut guère modifier la donne en lui ouvrant un droit à la sédation profonde et continue. S’il décidait de s’engager une nouvelle fois dans une procédure d’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation de Vincent Lambert (lesquelles sont désormais clairement désignées comme des "soins" par la nouvelle loi), le CHU pourrait, en dépit de la nomination d’un tuteur, devoir cependant consulter l’ensemble de la famille. Néanmoins, la voix du tuteur pourrait être prépondérante. Pour autant, face à une décision médicale plus qu’importante, Rachel Lambert serait tenue d’en référer au juge des tutelles. « Le problème (…) c’est qu’il arrive que des juges considèrent que ce n’est pas à eux de trancher, ce qui retarde considérablement la prise de décision » observait cet été dans les colonnes du Figaro, Hadeel Chamson, responsable du service juridique de la Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT). Enfin, la désignation du tuteur est susceptible d’appel, de même que toutes les décisions du juge des tutelles. Ainsi, on le voit, de très nombreuses péripéties  juridiques peuvent-être possibles. Néanmoins, la désignation de Rachel (jusqu’à un éventuel appel) lui offre dores et déjà la possibilité de mieux protéger l’image et les atteintes éventuelles à la dignité de son époux.

Elle est par ailleurs confirmée dans son rôle d’interlocuteur privilégié (voire unique ?) pour le CHU. Reste à savoir si ce choix des juges contribuera réellement à l’apaisement.

Aurélie Haroche

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