Grâce à elle, l’Argentine ne pleure pas

Paris, le samedi 26 mars 2016 – Difficile de faire autrement. Au pays de Maradona et de Messi, ne pas aimer jouer au football apparaît inconcevable. Toutes les sphères de la société sont concernées par cette passion et même si les différences entre les classes sociales restent très marquées, les professeurs de médecine et les ouvriers se côtoient plus facilement quand il s’agit de défendre l’équipe nationale. Comme les autres, le professeur Gamarnik adore titiller le ballon à ses moments perdus et quand son genou, aujourd’hui fragile, ne l’en dissuade pas. Mais son premier but est quelque peu différent.

Là où je voulais être

Naître en Argentine en mai 1964 dans une famille pauvre pouvait vous faire espérer une carrière dans le football.  Moins certainement à devenir l’une des plus importantes scientifiques du pays. Chez Andrea Gamarnik, les livres sont rares. Son père est ouvrier et sa mère n’a pas même pu achever l’école élémentaire. Mais la fillette est vive et les parents vont tout faire pour l’encourager à suivre des études. La mère d’Andrea surtout inspirera son engagement social. Ambitieuse, Andréa souhaite en effet très tôt que son action ait un véritable impact sur la société. Aussi songe-t-elle à la politique. Cependant, au lycée, ses professeurs l’en dissuadent et la convainquent plutôt de s’orienter vers une carrière scientifique.  Quelques temps plus tard, la jeune femme a un véritable coup de foudre pour la chimie. « Par hasard, pour déposer des documents, je me rends dans un laboratoire de chimie de l’université. Ce fut un véritable déclic. Les odeurs, le travail en équipe, les livres. Je sortais avec la conviction que c’est là que je voulais travailler » a-t-elle raconté dans un reportage réalisé par la Fondation l'Oréal pour les femmes et la science, qui vient de lui remettre l’un de ses prix annuel.

La tentation de l’Amérique

Mais les études sont longues et les sacrifices sont importants pour la famille, même si l’enseignement est gratuit en Argentine. Alors qu’Andrea s’interroge sur son avenir, elle apprend par hasard, en allant acheter des médicaments pour sa grand-mère à la pharmacie que l’Association pharmaceutique de Lanus offre des bourses aux étudiants méritants. Andrea est brillante : elle la décroche facilement. Son doctorat de biochimie obtenu à l’université de Buenos Aires en 1993, Andrea Gamarnik quitte l’Argentine pour poursuivre sa formation à l’université de Californie. A San Francisco, elle prend conscience de la faiblesse des moyens alloués à la recherche scientifique dans son pays, à la vétusté des équipements, au manque de reconnaissance dont pâtissent les chercheurs. Andrea a toujours rêvé de s’inscrire dans une discipline susceptible de « changer le monde ». Les ressources dont bénéficient les universités américaines semblent offrir la promesse d’atteindre ce rêve. Pourtant, Andrea choisit de retrouver l’Argentine.

Jouer un rôle

« J’ai bénéficié de la gratuité de mes études, je voulais rendre un peu de ce qui m’avait été donné », explique la chercheuse, qui était également heureuse de pouvoir coupler son amour pour la recherche à son engagement social. En Argentine en effet, Andrea va se consacrer à l’étude du virus de la dengue, problème de santé public majeur dans son pays. Elle a contribué ces dernières années à des découvertes très importantes sur le mécanisme de réplication de ce virus. Ses recherches ouvrent la voie à de nouveaux traitements, ce qui répond au désir ardent d’Andrea d’avoir un impact sur les choses.

Dès l’école maternelle

Chef du laboratoire de virologie moléculaire de l’Institut Leloir et chercheuse au Conseil national argentin de recherches scientifiques et techniques (Conicet), Andrea Gamarnik a reçu de nombreuses distinctions internationales et compte notamment parmi les membres de l’Académie américaine de microbiologie. Travailleuse acharnée, elle estime que la science nécessite tout autant de connaissances que d’imagination et de créativité, d’autant plus dans un pays comme l’Argentine où les moyens sont limités, même si elle ne cesse de louer les efforts réalisés dans ce domaine ces dernières années.
Lauréate du Prix de la Fondation l’Oréal pour les femmes dans la science, Andrea Gamarnik considère que dans la société argentine actuelle, les femmes n’ont pas les mêmes chances de succès que les hommes. Elle estime que seul un investissement dès les premières années de la vie des enfants, afin de convaincre les petites filles qu’elles ne sont pas nécessairement destinées aux tâches ménagères et à la beauté, permettra de faire évoluer les mentalités et la société.

Aurélie Haroche

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