
Paris, le jeudi 7 avril 2016 – Après une longue bataille, les médecins libéraux avaient fini par avoir gain de cause il y a deux ans en obtenant que la loi stipule clairement que les mutuelles et les assurances santé ne peuvent instaurer de réseaux de soins reposant sur un contrat direct entre elles et les médecins. Si les réseaux de soins sont vigoureusement pourfendus par les médecins libéraux, c’est qu’ils redoutent clairement une perte de leur indépendance, la fin de la liberté de choix de leur médecin par les patients et une intrusion toujours croissante des mutuelles dans leur pratique. Malgré l’adoption de la loi Leroux, il y a deux ans, les médecins demeurent toujours particulièrement alertés sur ce sujet et beaucoup ont redouté qu’entre autres vexations, la loi de santé ne sonne le grand retour de ce projet, qui semble avoir les faveurs d’une grande partie de la classe politique, notamment dans les rangs de la gauche.
Quarante établissements sélectionnés sur leurs résultats
Leur vigilance et inquiétude semblent aujourd’hui légitimées par une initiative des mutuelles SantéClair. Ces dernières, comme le détaille cette semaine Egora, permettent désormais aux adhérents de certains de leur contrat de bénéficier d’une prise en charge totale de leurs soins chirurgicaux orthopédiques s’ils se dirigent vers l’un des établissements inclus dans son « réseau ». Ces derniers, selon SantéClair, ont été sélectionnés en fonction de la qualité de leurs résultats concernant les interventions orthopédiques les plus fréquentes (prothèse de hanche, prothèse de genou, chirurgie des ligaments et méniscectomie). Le « forfait » proposé aux patients suppose la prise en charge non seulement de différentes prestations (chambre individuelle, accès à la télévision, ect) mais également des dépassements d’honoraires éventuels, ce qui constitue une première. Une quarantaine d’établissements composeraient aujourd’hui ce qui s’apparente à un réseau et SantéClair espère en recenser une soixantaine.
Trahison des cliniques
Un tel système n’est pas contraire à la réglementation, puisque la convention est établie entre les mutuelles et les établissements de santé et non directement avec les praticiens. Cependant, alors que dans les colonnes d’Egora, les responsables de Santéclair admettent eux-mêmes que la finalité est identique à celle des « réseaux de soins », les médecins ne sont pas dupes et ne décolèrent pas. Une fois encore, ils manifestent leur colère face à un système qui offre un pouvoir à leurs yeux inacceptable aux mutuelles et qui restreint la liberté de choix des patients. Ils rappellent que les assureurs n’ont aucune légitimité pour organiser une telle régulation de l’offre et appliquer leurs prétendus critères de qualité. Le ressentiment des praticiens s’exerce également à l’encontre des établissements qui ont accepté de participer à ce montage, ce qui suppose certainement une fois encore une restriction de la liberté des praticiens concernant la fixation de leurs honoraires. « C’est une façon contournée de mettre en place des réseaux de soins. (…) Et surtout c’est le risque pour les cliniques et pour les praticiens de se retrouver captifs d’un système qui n’a pas pour but d’augmenter la qualité mais de faire baisser les coûts » déplore Jérôme Vert, président de l’AAL, l’Association des anesthésistes libéraux dans les colonnes d’Egora. Sans doute, dans le cadre actuel des négociations, le sujet devrait être abordé par les représentants des syndicats avec l’Assurance maladie.
Léa Crébat