Dépénalisation du cannabis : la proposition de Jean-Marie Le Guen ne fait pas mouche

Paris, le mardi 12 avril 2016 – Après plusieurs autres responsables politiques socialistes avant lui et notamment Vincent Peillon quand il occupait les fonctions de ministre de l’Education nationale, le secrétaire d’Etat aux relations avec le parlement, Jean-Marie Le Guen s’est déclaré hier favorable à l’ouverture d’un débat sur le statut pénal du cannabis. Quelques jours après la publication de chiffres de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) signalant une augmentation par un facteur six des infractions liées aux stupéfiants, progression principalement liée à la répression de l’usage de cannabis, Jean-Marie Le Guen a fait le constat de l’inefficacité de la législation actuelle. Aussi, le secrétaire d’Etat et médecin défend l’idée d’une « légalisation contrôlée » qui ne pourrait concerner que l’usage privé du cannabis. « Je pense que l’on doit avoir des levées de l’interdiction qui seront très sélectives. D’abord pour les adultes et certainement pas pour les jeunes de moins de 21 ans. Et on verra dans quelles circonstances particulières, l’usage privé et certainement pas l’usage public » a-t-il explicité. Il souligne même être favorable à un renforcement des sanctions en cas de fraudes à la nouvelle législation. Cette nouvelle approche permettrait selon lui une plus grande efficacité sanitaire, qui constitue sa priorité. Elle contribuerait également au démantèlement des trafics, tandis que ceux qui subsisteraient feraient l’objet d’une attention plus grande (grâce à une meilleure concentration des moyens).

Des soutiens peu nombreux

Sans surprise, cette proposition que Jean-Marie Le Guen a indiqué présenter à titre personnel, a été immédiatement retoquée par le gouvernement. Le porte-parole Stéphane Le Foll a précisé qu’aucune piste de ce type n’était actuellement à l’étude, même s’il a souligné que rien n’interdit au Parti socialiste d’ouvrir le débat sur le sujet. De son côté, le ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem a jugé que des « interdits » étaient nécessaires dans la société et a considéré qu’un changement de législation pourrait être interprété comme un mauvais signal, être assimilé à une « baisse [de] la garde dans le combat contre les drogues ». Toujours au sein de la gauche, le député socialiste Samia Ghalli à Marseille a mis en doute que de telles mesures puissent avoir un impact significatif sur les trafics. A droite, les déclarations de Jean-Marie Le Guen ont été accueillies par une levée de bouclier, le gouvernement étant accusé de vouloir dresser un « écran de fumée » pour faire passer au second plan des préoccupations plus prégnantes.

La santé publique lésée par la prohibition ?

Reléguées à peine émises, les suggestions de Jean-Marie Le Guen rejoignent cependant celles d’un nombre croissant d’observateurs. Elles font ainsi écho aux préconisations du professeur Dantzenberg, qui il y a quelques mois, en s’appuyant sur des arguments similaires, défendaient lui aussi une évolution de la législation, dans l’espoir d’une action de santé publique plus efficace. Les représentants des forces de l’ordre, de leur côté, tout en étant défavorables à une dépénalisation, plaident pour beaucoup pour le remplacement du délit actuel par une contravention. Cette méthode permettrait en effet un gain de temps en raison d’un traitement plus souple des affaires, ce qui laisserait davantage de possibilités de se concentrer sur la répression du trafic.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • Que le gouvernement taxe le produit

    Le 12 avril 2016

    Il est logique, compte tenu du peu de crédit de la pénalisation de dépénaliser. C'est aussi la porte ouverte à une génération de cerveaux lésés par la drogue. La solution arrêtons de banaliser ce qui ne l'est pas. Et parions pour que le gouvernement taxe le produit...Comme cela nous comprendrons.

    Philippe Terret

  • Pourquoi la prohibition de l’usage du cannabis ne fonctionne pas

    Le 15 avril 2016

    Arguant que la prohibition de l’usage du cannabis ne fonctionne pas en France, le secrétaire d’Etat aux relations avec le parlement, J.-M. Leguen prône sa légalisation. En politicien roué il exprime quelques précautions d’usage pour enfumer le citoyen réprobateur, «/le bigot de la prohibition/ » selon ses termes. C’est à sa déclaration que je réponds ici.

    Je constate comme lui que la prohibition du cannabis n’a pas empêché les français de devenir les recordmans européens de sa consommation. Mais, avant d’envisager de renoncer à cette prohibition il est urgent de déterminer pourquoi, et par la faute de qui, cette prohibition ne fonctionne pas.
    En matière de toxicomanies, outre le cannabis, les français entretiennent des rapports singuliers avec les drogues, puisqu'ils battent d’autres records de consommation ; pour le tabac (13 millions de fumeurs) et pour l’alcool (4 à 5 millions d’alcoolo-dépendants ; deux drogues dont le statut licite n’a pas empêché ces records. Records aussi pour le détournement des produits de substitution aux opiacés, pour l’héroïne (250 000 morphino-dépendants), pour l’abus des hypnotiques et des benzodiazépines…Cette propension nationale aux abus justifie des contraintes pour les contenir.

    La loi de prohibition du cannabis est largement méconnue des adolescents. Elle l’est aussi de leurs parents. Elle l'est des adolescents parce qu’elle ne leur est pas enseignée (excepté les rares interventions de la gendarmerie dans les collèges et lycées). Elle n’est par rappelée par les médias que pour la contester. Elle est incomprise, à défaut d’être expliquée et plus encore justifiée à partir des considérations sanitaires qui devraient prévaloir. Sans ces justifications la loi apparait tel un oukase de « papys grognons voulant emmerbéter les mômes ». On voit croître le nombre des parents qui l’ignorent, qui y contreviennent eux-mêmes, et ainsi se mettent hors-jeu pour en faire la pédagogie.

    Les enseignants, qui voient leurs efforts ruinés au quotidien par l’intrusion du cannabis dans le cerveau des élèves, ne sont pas formés pour en parler. Dans mes actions éducatives, je me suis heurté à la bastille imprenable de l’Institut universitaire de formation des maitres (IUFM) de mon académie. Cette obstruction à la formation sur ce thème des formateurs de nos jeunes parait délibérée.

    Ce n’est que depuis peu que les parents prennent conscience de l’envahissement de notre société et de la menace de contamination de leurs enfants par le cannabis, au pays qui compte quelques cent mille dealers de cannabis, que ne les a-t-on prévenus beaucoup plus tôt ?
    Nos jeunes sont régulièrement destinataires de messages biaisés, fallacieux, dont certains émanent même de membres du gouvernement ou des assemblées.
    La mission interministérielle de lutte contre les drogues et toxicomanies (MILDT) ; a eu pour directrice N. Maestracci, puis pour directeur D. Jayle, qui se démasquèrent prolégalisateurs. Quand, à un prix exorbitant, la MILDT, dirigée alors par E. Apaire, faisait passer un clip de quelques dizaines de secondes fustigeant la drogue (d'ailleurs abscons pour les esprits embrumés de cannabis), dans les jours suivants, une chaîne de TV dans une émission interminable entonnait un hymne au cannabis, sans la moindre allusion à ses méfaits.
    Dans un tel contexte, qui peut s’étonner que la prohibition ne fonctionne pas? La pandémie cannabique, en France, est le résultat de manipulations délibérées, périodiquement ranimées ; la déclaration de J.-M. Le Guen en étant le plus récent avatar.

    Cette situation n’est pas irréversible, si l’on veut bien se référer à l’exemple Suédois, curieusement très peu cité et partant ignoré. Il devrait pourtant inspirer nos politiques publiques. Dans les années 1970 le cannabis coulait à flot sur la jeunesse Suédoise. Il a été montré alors (S. Andreasson, 1983) ses relations avec la survenue de la schizophrénie. La réponse fut l’adoption d’une loi proche de la loi française, mais que la Suède, elle, a fait respecter, l’accompagnant d’une pédagogie qui, de la maternelle jusqu’à l’université, comporte une quarantaine d’heures d’enseignement sur les méfaits des drogues. Aujourd’hui la Suède peut s’enorgueillir de compter (en proportion bien sûr) dix fois moins de toxicomanes que la moyenne européenne. « Où il y a une volonté il y a un chemin », mais où prévalent la méconnaissance, la négligence, l’indifférence, l’enfumage, la complaisance, on aboutit au calamiteux record français.

    Les raisons invoquées par les jeunes qui ne consomment pas de cannabis tiennent pour 60% d’entre eux à sa toxicité et pour 40% à l’interdiction du produit. Autoriser cette drogue, fera croire à ces premiers que ce n’est pas toxique et lèvera l’interdit qui retenait les autres.

    N’en déplaise à M. Menucci (Marseille), les vingt malfrats qui tombent annuellement, sous les balles de kalachnikov tirées par leurs concurrents, pèsent bien peu comparés aux dizaines de milliers de victimes du cannabis (accidents routiers et professionnels, suicides, surdoses, toxicité cardio-vasculaire, cancers, rixes….). Sa déclaration est encore un exemple d’argument fallacieux.

    Le cannabis obscurcit non seulement l’esprit de ses consommateurs, mais aussi celui des" bigots" de sa légalisation. Ne nous y trompons pas, ceux qui aujourd’hui requièrent la légalisation du cannabis ont déjà, pour beaucoup d’entre eux, exprimé leur volonté de voir légaliser toutes les drogues. Il est vrai qu’ils ont plébiscité les « salles de shoots » destinées à accueillir les multiples victimes de leurs choix irresponsables.

    Pr. Jean Costentin

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