
Paris, le lundi 2 mai 2016 – Le bilan n’a cessé de s’alourdir. Alors que l’on évoquait d’abord quatorze morts dans le bombardement mercredi soir d’un hôpital à Alep, les différents observateurs sur place ont bientôt signalé vingt morts et finalement plus de vingt-cinq victimes de ce raid, dont il ne fait guère de doute qu’il est l’œuvre du régime syrien. Parmi les personnes tuées, figurent un dentiste et toute sa famille et un médecin le docteur Mohammed Ahmad, âgé de 36 ans, qui était l’un des derniers pédiatres à exercer à Alep. Ses collègues ont tenu à lui rendre hommage en signant notamment une tribune dans le Monde où ils ont souligné son « extrême gentillesse et courage ».
Le principal centre pour soins pédiatriques d’Alep dévasté
Au-delà de ces témoignages, l’indignation de la communauté internationale et des associations humanitaires étaient à leur comble, après qu’Alep ait vécu l’une des pires semaines depuis le début de la guerre en Syrie, renvoyant à l’oubli les quelques semaines d’une trêve en partie seulement respectée. Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon a ainsi dénoncé une attaque « inexcusable », tandis qu’un porte-parole du Haut comité des négociations (HJCN) la qualifiait pour sa part de « cruelle ». De son côté, l’association Human Right Watch considère que ces frappes aériennes « témoignent d’un mépris pour la vie civile et sont susceptibles de constituer des crimes de guerre ». Médecins sans frontières (MSF) a pour sa part tenu à rappeler que cet établissement « offrait plusieurs services, dont une salle d’urgence, des soins obstétricaux, un service ambulatoire et hospitalier, une unité de soins intensifs et un bloc opératoire. Huit médecins et 28 infirmières travaillaient à temps plein dans cet hôpital, qui était le principal centre pour les soins pédiatriques à Alep ».
La Russie et les Etats-Unis appelés à faire renaître la trêve
Fait rare, plusieurs médecins syriens ont également tenu à s’exprimer, à travers une tribune publiée dans le Monde. Ils décrivent une ville d’Alep au bord du gouffre et avertissent : « Il n’y aura bientôt plus du tout de personnel médical » dans la ville. Aussi, implorent-ils la Russie et les Etats-Unis, qu’ils considèrent comme les « garants du sort des civils en Syrie » à mettre tout en œuvre pour que la trêve puisse reprendre et être respectée. Cette dernière avait en effet offert un semblant de répit à la population de la ville et notamment à ses hôpitaux.
Des hôpitaux pris pour cible
Les centres de soins sont de fait depuis le début de la guerre en Syrie les cibles privilégiées des combattants, de toutes les parties et notamment du régime syrien, et ce au mépris de toutes les règles internationales. Ainsi, trois jours après le raid contre l’hôpital E-Qods, c’était au tour d’une clinique d’être touchée. Au total, l’association américaine Physicians for Human Rights a recensé 358 attaques contre des établissements de santé entre mars 2011 et fin février 2016, dont la très grande majorité ont été perpétuées par le régime syrien. On estime encore que 730 médecins ont été tués ces cinq dernières années en Syrie. Outre ces morts, de nombreux praticiens ont préféré quitter leur pays, le laissant à l’abandon. A Alep, « il ne reste plus que 70 à 80 médecins pour 250 000 habitants dans la partie non gouvernementale, car 85 % d’entre eux sont partis ou ont été tués » indique au quotidien Metro, Miskilda Zancada, chef de mission de MSF en Syrie.
Aurélie Haroche