Folies féminines

Paris, le samedi 18 juin 2016 – Certains récits nous laissent suspendus à un malaise. Qu’a voulu écrire la journaliste Alix de Saint-André avec son Angoisse de la page folle ? Un livre choc, qui serait une sorte d’anti Le Dernier verre où Olivier Ameisen évoquait sa lutte contre l’alcoolisme grâce à l’utilisation du baclofène ? Un livre destiné à soulever un "scandale" médical ignoré ? L’effet est sans doute raté : depuis la publication de son récit, le baclofène n’a pas fait l’objet d’un haro médiatique. Sans doute parce que les praticiens qui l’utilisent aujourd’hui avec précaution savent déjà qu’il n’est pas exempt d’effets secondaires. Sans doute aussi parce que son témoignage n’est nullement suffisant pour anéantir les résultats obtenus avec ce médicament dans la lutte contre la maladie alcoolique qui s’ils ne sont pas miraculeux sont suffisamment encourageants dans un contexte où les thérapeutiques efficaces font gravement défaut. Reste l’évocation de la "folie" sous ces différents aspects : excitation, sentiment de puissance et hallucinations. Pour Alix de Saint-André, qui se base notamment sur un rapport d’un institut médical indien (alors que le risque d’hallucinations ou d’euphorie se trouve plus simplement dans les RCP du Lioresal disponible sur le site de l’Agence nationale de Sécurité du médicament), ces manifestations sont la conséquence d’un traitement par baclofène pris à haute dose pour arrêter de fumer. Le malaise revient : comment ce médicament a-t-il pu être prescrit dans cette indication non reconnue à des niveaux aussi élevés ?

Papillon

Un médicament est également au cœur du récit de Madame Dubois, mais ce n’est pas ici pour en dénoncer les méfaits, mais au contraire pour l’apprivoiser. « Je trouve que le mot est poétique. Abilify, ça fait papillon » évoque l’unique personnage de Rendez-vous Gare de l’Est, pièce de Guillaume Vincent reprise ce printemps au théâtre du Rond Point à Paris. Fruit de la compilation de dizaines de conversations nourries avec une jeune femme atteinte de maniaco-dépression, Rendez-vous Gare de l’Est est l’émergence d’une parole libre et qui cherche la vérité sur la bipolarité. « Qu’est-ce que la folie ? Qu’est-ce que c’est vraiment être fou ? Il y a tellement de différence dans la folie » s’interroge le personnage interprété une nouvelle fois avec justesse par Emilie Incerti-Formentini.

Libellules

Ces différences dans la folie éclatent devant la caméra de Paolo Virzi, réalisateur d’un film plein de charme qui a enchanté la croisette et est visible sur les écrans depuis le 8 juin, Folles de joie. Il met en scène deux pensionnaires de la Villa Bondi, institut thérapeutique qui accueille des femmes souffrant de troubles mentaux : Béatrice (Valeria Bruni-Tedeschi) extravertie et mythomane et Donatella (Micaela Ramazzotti) mutique, psychotique et suicidaire. Une imprévisible alliance va se créer entre les deux patientes qui s’évadent ensemble et tentent de trouver un chemin pour vivre différemment leur mal être. « Vous êtes folles » leur lance un homme rencontré au cours de leur voyage : « Selon certains experts, oui » répond en s’échappant Béatrice.

Livre :

L’Angoisse de la page folle, Alix de Saint André, Gallimard, 312 pages, 21,50 euros


Théâtre :

Rendez-vous Gare de l’Est, de Guillaume Vincent, Théâtre du Rond Point, jusqu’au 26 juin, 2bis av Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris


Cinéma :

Folles de joie, de Paolo Virzi, sortie le 8 juin, (1h56)

Aurélie Haroche

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