
Paris, le samedi 9 juillet 2016 - Bien que certains artistes tentent à tout prix de fuir leur passé, de s’imposer comme des hommes neufs, sans origine, sans naissance et sans gènes, la transmission d’hier à demain est au cœur de la création. Elle est aussi le fantôme de toutes les maladies. On peut en rire. Comme dans le jubilatoire et grinçant Je me tue à te le dire. Dans ce film belge en noir et blanc de Xavier Seron, un homme un peu paumé, Michel Peneud apprend que sa mère souffre d’un cancer. Ce n’est pas le point de départ à une tragédie ou au désir de partager avec cette femme le temps qui lui reste à vivre. Cette annonce donne lieu à des questions loufoques et à des digressions lunaires. Après qu’on lui ait fait remarquer que certains cancers peuvent se transmettre, Michel en viendra ainsi par exemple à palper ses seins et celui de ses camarades tout en scrutant sa mère, dont la bonhomie, l’amour pour ses chats et le mousseux semblent totalement imperméable à la maladie.
Pôles
La transmission n’est pas seulement un poison dont on hérite, c’est également un sortilège que l’on peut jeter sans l’avoir voulu. C’est une des interrogations de Rodolphe Viémont et de sa femme. Le réalisateur du documentaire Humeur liquide et son épouse souffrent de troubles bi-polaires. A 38 ans, ce qui constitue déjà une "victoire " fait-il remarquer à travers la voix de Robinson Stévenin, son dernier pied de nez contre la maladie est un désir d’enfant. Comment cependant s’assurer que ce dernier ne souffrira pas à son tour, dans sa chair ou dans sa vie ? C’est une des interrogations soulevées dans ce film, avec pour personnage principal l’épouse de Rodolphe Viémont, dont les épreuves sont évoquées entre mélancolie et espoir.
Peau
Ce ne sont pas seulement les familles qui tissent l’hérédité, mais aussi le fil du temps, de l’histoire. Les interrogations sur l’image de la femme, sur sa représentation, sur la révélation de son intimité ont traversé les siècles. C’est ce que rappelle une exposition présentée au Musée international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève. Les considérations actuelles autour du contrôle du corps, de la modulation des silhouettes, de leur exhibition sont abordées au sein d’une scénographie qui rapproche les statuettes précolombiennes de la fécondité des témoignages et photographies de jeunes filles d’aujourd’hui souffrant d’anorexie. Les peintures de femmes opulentes du XIXème siècle côtoient les corps décharnés matraqués par les appareils numériques, offrant une réflexion inédite et parfois dérangeante sur les détours de la transmission.
Cinéma :
Je me tue à te le dire, de Xavier Seron , 6 juillet, 1h30
Humeur liquide, de Rodolphe Viémont, 6 juillet, 52 minutes
Exposition :
Ados à corps perdu, du 22 juin au 8 janvier, Musée international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, Av. de la Paix 17, 1202 Genève, Suisse
Aurélie Haroche