De grandes études observationnelles récentes ont suggéré qu’il faudrait peut-être reconsidérer la prescription préventive de bêtabloquants chez les patients coronariens dans le but d’éviter la survenue d’événements cardiovasculaires.
Par ailleurs, les essais randomisés relativement (déjà) anciens dont on dispose ne démontrent pas formellement que les bêtabloquants réduisent la mortalité après implantation prophylactique d’un défibrillateur automatique (DEF) chez les patients en insuffisance cardiaque chronique.
C’est cette incertitude qui a poussé L. Fauchier et coll. à réexaminer l’impact des bêtabloquants sur le pronostic après implantation prophylactique d’un DEF.
L’étude rétrospective, observationnelle, multicentrique (12 centres), a été menée, en France, chez 3 975 patients porteurs d’une maladie coronaire ou d’une cardiomyopathie qui avaient bénéficié, entre 2002 et 2012, de l’implantation d’un DEF dans le cadre d’une prévention primaire.
Les patients ont été suivis par des consultations cliniques de routine pendant 3,1 ± 2 ans.
Comparés aux patients traités par les bêtabloquants, ceux qui n’étaient pas traités par ces médicaments (n = 601) étaient plus âgés (65 ± 11 vs 63 ± 11 ans ; p < 0,0001), avec un taux semblable de maladie coronaire (60 % des cas vs 58 % ; p = 0,51) ; leur fraction d’éjection ventriculaire gauche était fréquemment plus basse (32 % des cas vs 27 % ; p = 0,009) et ils avaient plus souvent été traités par resynchronisation cardiaque (59 % des cas vs 54 % ; p = 0,02).
Le score de propension pour l’utilisation des bêtabloquants a été estimé chez les 3 984 patients mais également dans 541 paires de patients, traités ou non par les bêtabloquants, et dont 22 caractéristiques basales ont été comparées.
Parmi les patients appariés, comparée à la prise de bêtabloquants, l’absence de bêtabloquants s’est accompagnée d’un risque plus élevé de décès de toute cause (Hazard Ratio [HR] = 1,34 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 1,02 à 1,75] ; p = 0,04) et de décès de cause cardiaque (HR = 1,50 ; IC95 de 1,06 à 2,13 ; p = 0,02).
En contraste, il n’a pas été noté de différence significative entre les deux groupes thérapeutiques quant aux taux de mort subite (HR = 1,15 ; IC 95 de 0,44 à 2,98 ; p = 0,77), aux taux de chocs appropriés délivrés par le DEF implanté en prévention primaire (HR = 1,03 ; IC95 de 0,79 à 1,35 ; p = 0,82) et aux taux de chocs inappropriés (HR = 1,24 ; IC 95 de 0,60 à 2,53] ; p = 0,56).
En conclusion, dans une vaste cohorte contemporaine de patients en insuffisance cardiaque chronique traités par l’implantation préventive d’un DEF automatique, comparée à la prise de bêtabloquants, l’absence de traitement bêtabloquant était associée à un risque semblable de mort subite, de chocs appropriés et inappropriés, mais à un taux plus élevé de décès de toute cause et de décès de cause cardiaque. Ainsi, bien que les effets bénéfiques des bêtabloquants sur la prévention de la mort subite puissent être peu élevés, il est raisonnable de continuer d’utiliser largement ces médicaments dans le groupe particulier de patients en insuffisance cardiaque chronique qui ont bénéficié de l’implantation préventive d’un DEF, comme cela est actuellement préconisé par les recommandations.
Dr Robert Haïat