
Austin, le samedi 3 septembre 2016 - L’australopithèque Lucy,
qui vivait il y a 3,2 millions d’années en Ethiopie et dont les
restes ont été découverts en 1974* serait mort lors de la chute
d'un arbre.
Cette conclusion est tirée d’une nouvelle étude de ses ossements
dont les résultats ont été publiés dans Nature.
De 2007 à 2013, plusieurs musées américains d’histoire naturelle ont pu exposer le squelette de la plus célèbre représentante des Australopithecus afarensis. Lors de son passage à Austin, des chercheurs l’ont passé au scanner.
John Kappelman, qui a dirigé ces travaux, a été frappé par le fait que, contrairement à nombre de fossiles, les fractures présentaient des brisures aiguës, « propres », avec des esquilles d’os encore en place. C’était le cas notamment de l’humérus droit.
Les spécialistes rassemblés par John Kappelman ont ensuite découvert de nombreuses autres fractures peri-mortem sur les os de Lucy. Elles ne portent pas de trace de consolidation et ne sont pas, selon eux, attribuables à des coups de dents de carnivores ou à des remaniements des sédiments.
Lucy serait tombée de 13,7 mètres, atteignant le sol à une vitesse d’environ 59 km/h. S’étant reçue sur les jambes, elle aurait tenté d’amortir ensuite sa chute en allongeant son bras droit. Elle serait morte très peu de temps après, son corps se trouvant rapidement recouvert par des sédiments, ce qui en a assuré une bonne conservation.
Un os dans l’hypothèse de la bipédie exclusive de Lucy
Outre d’apporter une hypothèse pour expliquer la mort de notre lointaine cousine, ces conclusions relancent les débats sur la bipédie de Lucy.
Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l'évolution humaine à l'Institut Max Planck à Leipzig et titulaire de la chaire de paléoanthropologie au Collège de France explique « cette étude apporte une nouvelle réponse à un vieux débat scientifique qui dure depuis la découverte de Lucy: elle était clairement bipède, mais avait-elle encore un comportement arboricole ? Sa chute d'un arbre nous prouve que c'était probablement le cas ».
Yves Coppens, quant à lui, défend depuis longtemps l'idée que Lucy combinait à la fois bipédie et comportement arboricole…ce qui pourrait expliquer cette chute mortelle : « elle marchait moins bien que ceux qui lui ont succédé et devait grimper moins bien que ceux qui la précédaient, et c'est malheureusement peut-être à cause de cela qu'elle est tombée ».
Cette hypothèse séduit moins Donald Johanson (Université d’Arizona), qui codirigeait la mission qui a aboutit à la découverte de Lucy. Il avance que l’on peut trouver des traces de fractures faisant penser à une chute du haut d’un arbre sur des os d’antilopes, d’éléphants, de rhinocéros…qui n’étaient évidement pas arboricoles ! Pour lui Kappelman a écarté sans raison valable le travail des forces tectoniques et l’influence de l’érosion sur les sédiments contenant les os fossilisés.
Les débats sur les habitudes arboricoles des Australopithecus afarensis et sur les circonstances de la mort de Lucy, ne sont semblent-ils pas clos.
*Par une équipe d’une trentaine de chercheurs éthiopiens, américains et français codirigée par Donald Johanson (paléoanthropologie), Maurice Taieb (géologie) et Yves Coppens (paléontologie).
Frédéric Haroche