La détection de l'ensemble des lésions et leur prise en charge agressive, indépendamment de leur site et de leur caractère symptomatique ou non permet-elle d’améliorer le pronostic des coronariens à haut risque ?
Pour répondre à cette question les investigateurs exclusivement français de l'étude multicentrique pourtant baptisée AMERICA (Aggressive detection and Management of the Extension of atherothrombosis in high Risk coronary patients In comparison with standard of Care for coronary Atherosclerosis) ont randomisé 521 patients à haut risque (âge supérieur à 75 ans, atteinte coronaire tritronculaire ou antécédents de syndrome coronarien aigu) vers un bras prise en charge classique (n = 258) ou vers un bras avec recherche proactive d'éventuelles atteintes dans d'autres territoires vasculaires (rapport de pression bras cheville, échodoppler et, le cas échéant, scanner ou IRM), prescription systématique d'un IEC, d'un ß-bloquant et d'une statine à forte dose et maintien d'une double anti-agrégation plaquettaire pendant 24 mois (n = 263).
Contrairement à ce que l'on pensait…
Le critère principal d’évaluation était la somme des décès, des
évènements ischémiques entraînant une hospitalisation et des
défaillances viscérales.
Dans cette population à haut risque très bien traitée dès
l’inclusion, à l'issue d'un suivi de 2 ans, il n'y avait pas de
différence significative en termes de survenue des événements du
critère principal entre la prise en charge agressive proactive et
la prise en charge classique, respectivement 47,4 % versus 46,9 %
(rapport des risques relatifs [HR] = 1,03) et aucun des composants
du critère principal pris séparément n'était significativement
réduit dans le bras prise en charge agressive proactive. Il n'y
avait pas non plus de différence en termes de saignements majeurs,
respectivement 4,6 % versus 5,0 %. Les résultats vont dans le même
sens pour l'ensemble des sous-groupes évalués.
De l'importance de la bonne prise en charge de base
Ces résultats sont à mettre en relation avec le fait qu'un athérome diffus asymptomatique n'a été détecté que dans environ 20 % des cas dans cette population de patients coronariens à haut risque et que cela n'a mené à une revascularisation complémentaire que dans très peu de cas. De plus, les patients étant déjà très bien traités, il était difficile d’optimiser davantage. Ces éléments expliquent probablement en partie la neutralité des résultats observés. Quoi qu'il en soit la puissance de l'étude ne peut être mise en cause puisque le taux d’évènements constatés était supérieur à celui anticipé dans l’analyse statistique initiale.
Un message clinique clair
Chez des coronariens à haut risque bien traités, la recherche de lésions asymptomatiques dans d'autres lits vasculaires associée à une prise en charge agressive avec revascularisation chaque fois que jugée nécessaire n’améliore pas le pronostic par rapport à une prise en charge classique. Voilà donc une étude qui devrait réjouir les gestionnaires des systèmes de soins de santé puisqu'elle est potentiellement génératrice d'économies.
Dr Jean-Claude Lemaire et Dr Eric Tison