
Paris, le jeudi 22 septembre 2016 – Lundi, le Conseil de Paris statuera sur le projet de piétonisation des 3,3 kilomètres de la voie Georges-Pompidou des Tuileries au bassin de l’Arsenal. La détermination du maire de Paris laisse peu de doute quant à l’issue du vote. L’ampleur de la contestation ne devrait par ailleurs pas être apaisée par cette nouvelle étape. Pour justifier son autoritarisme en la matière, Anne Hidalgo ne cesse de mettre en avant l’urgence sanitaire. « La santé publique, ça ne se négocie pas. Je suis convaincue que les élus doivent agir vite. Car, tôt ou tard, il faudra répondre pénalement devant les tribunaux » clame-t-elle. Bien que parfois discutées en raison de leurs méthodes, les études confirmant l’impact de la pollution atmosphérique sur la morbidité et la mortalité se multiplient en effet. Or, la circulation automobile contribue pour une très large part à l’émission des polluants les plus nocifs : le dioxyde d’azote et les émissions de particules fines. Des chiffres qui ont convaincu Paris de se donner pour objectif une diminution de 15 % en moyenne de l’émission de dioxyde d’azote.
Paradoxe
Pour ce faire, la diminution du réseau routier est considérée comme la première méthode à appliquer, Paris ne faisant que suivre la voie de plusieurs capitales et grandes villes européennes.
Pourtant, "intuitivement" la solution n’apparaît pas miraculeuse. Le report du trafic ne pourrait que déplacer le problème, affirment les opposants à une nouvelle "piétonisation" dans Paris intra muros. La mécanique a été étudiée dès les années 1960. Le chercheur Dietrich Braess a ainsi donné son nom au paradoxe de Braess qui révèle qu’une réduction du réseau routier conduit effectivement à une baisse du volume de la circulation et donc de la pollution qui lui est associée. Si à court terme, embouteillages et pics de pollution sont à prévoir, bientôt le nombre de véhicules diminue et des effets positifs peuvent être observés. Plusieurs villes étrangères ont confirmé cette tendance. « A court terme, la mesure va provoquer des embouteillages et augmenter la pollution. Mais cette décision volontariste va dans le bon sens. Les gens finiront par s’adapter » reconnaît lui même le président de l’association Ecologie sans frontière, Franck Laval cité dans le Monde. Anne Hidalgo va même jusqu’à oublier le temps d’adaptation nécessaire en clamant : « Je peux vous vous garantir qu’aucune grande ville au monde n’a enregistré une augmentation de la pollution en réduisant la circulation dans son centre ». Avec plus de nuance, un grand nombre de professionnels considèrent également que le projet va dans le bon sens, tels cinq pneumologues ayant signé une tribune dans le Journal du Dimanche pour apporter leur soutien à la mesure.
Rétention d’informations et consultation publique restreinte
Probablement efficace à moyen terme pour réduire la pollution et améliorer la santé des parisiens, le projet est probablement plus nocif pour l’exercice de la démocratie à Paris. Le maire de Paris semble en effet vouloir faire fi de tous les principes pourtant régulièrement vantés par ses soins et ses proches. Ainsi, la commission d’enquête publique dont l’avis négatif (mais il est vrai consultatif) n’a pas été retenu a observé comment la consultation conduite par la mairie, pour donner l’illusion d’un dialogue, a concerné un périmètre trop restreint pour englober l’ensemble des riverains qui seront concernés. De son côté, la présidente de région Valérie Pécresse dont l’hostilité au projet n’est pas entière dénonce également la méthode employée. Elle vient ainsi de se récrier contre la rétention d’informations exercée par les services de la ville qui refusent de transmettre à la région ses statistiques concernant les embouteillages.
Le climat pourrait cependant connaître un léger apaisement avec l’annonce hier par la mairie de Paris de la réalisation de deux campagnes de mesure de la pollution. Ces deux évaluations auront pour objectif de mesurer les « impacts réels » de la piétonisation. Ces études seront réalisées à deux périodes différentes de l’année pour tenir compte de l’influence des saisons, des températures et des flux de circulation. Elles dureront chacune quatre semaines. Reste à savoir si quelles qu’elles soient les opposants et les tenants du projet accepteront de se rendre à leurs conclusions.
Aurélie Haroche