
Paris, le jeudi 27 octobre 2016 – Si l’incidence du cancer du col de l’utérus est en baisse, probablement en partie en raison du recours à la pilule contraceptive, cette diminution connaît « un plateau chez les 40-49 ans et les 50-59 ans. Cela suggère que le système actuel de dépistage par frottis atteint ses limites, car il laisse de côté une partie de la population » note dans le Monde d’hier Roman Rouzier de l’Institut Curie. Le taux de couverture du dépistage du cancer du col de l’utérus est en effet loin d’atteindre ses objectifs : seules 52 % des femmes effectuent un frottis triennal. Pourtant, les projections permettent de suggérer que si 80 % des femmes répondaient à cette recommandation, 90 % des cancers du col pourraient être évités.
Expérimentations et évaluations
Cette situation a conforté l’idée de mettre en place un programme de dépistage organisé. Des expérimentations ont ainsi été conduites dans plusieurs départements. Les femmes sont invitées à la réalisation d’un frottis chez leur gynécologue par une lettre de relance. Le dispositif permet d’obtenir des résultats : une augmentation de 8 % de la participation au dépistage est observée. Dès lors, l’INCA se penche sur la pertinence de la mise en place d’un programme généralisé. Il vient de publier le second volet d’une enquête médico-économique sur ce sujet après une première étude consacrée aux facteurs expliquant les inégalités d’accès au dépistage.
Diminuer l’incidence et la mortalité de 30 % en 10 ans
Cette seconde partie confirme l’intérêt « de mettre en place en France un programme national de dépistage organisé du CCU (PNDO CCU). Le déploiement d’un PNDO CCU constitue une amélioration de la situation actuelle caractérisée par l’existence d’un dépistage spontané du CCU en termes de cancers évités, survie et survie ajustée par la qualité de vie (QALY) des femmes. L’évaluation montre qu’il permettra d’atteindre l’objectif fixé par le Plan cancer 2014-2019 de réduction de l’incidence et de la mortalité de 30 % à 10 ans » résume l’INCA.
Test HPV ou frottis ?
Ce constat établi, demeure la question du choix de la méthode : frottis tous les trois ans ou test HPV tous les cinq ans, voire dix ans ? Les évaluations semblent mettre en évidence une supériorité du test HPV d’un point de vue économique et une efficacité comparable, voire supérieure, quand le test est réalisé tous les cinq ans. « A terme, une stratégie de DO fondée sur un test HPV tous les 5 ans et fondée sur les âges de dépistage (35, 40, 45, 50, 55, 60 et 65 ans) pourrait faciliter la diversification des préleveurs et améliorer la participation des femmes » veut encore croire l’INCA. Cependant, à brève échéance, le recours à ce test n’est pas envisageable. Différentes recommandations sont en effet attendues concernant le test HPV. Par ailleurs, des doutes subsistent concernant un éventuel risque clinique « en particulier de surtraitement, notamment chez les femmes jeunes ». Or, le spectre du dépistage du cancer du sein impose la prudence en la matière. C’est donc vers un dépistage par frottis tous les trois ans que l’INCA invite d’abord à s’orienter, avant une possible redirection vers le dépistage HPV.
Une prudence nécessaire
La France n’est pas la première à envisager un dépistage organisé du cancer du col de l’utérus. En Europe, 14 pays ont déployé un tel programme, dont huit depuis 20 ans. Les résultats obtenus sont satisfaisants : dans les pays où le dépistage est ancré depuis le plus longtemps, le taux de dépistage atteint les 70 % (mais pas les 80 % espérés par l’INCA). Le recours au frottis est pour l’heure la règle, même si les Pays-Bas et la Finlande ont progressivement introduit le test HPV. L’annonce de l’engagement dans un nouveau programme de dépistage ne peut, à l’heure des interrogations sur le dépistage du cancer du sein, que susciter des interrogations. Si la situation entre ces deux cancers diffère significativement, ainsi que les modalités de dépistage, certains écueils ne devront pas être minimisés, tels les risques associés à une concomitance entre deux tests avec des indications de fréquence différentes ou encore la question de l’implication des médecins traitants dans le programme.
Aurélie Haroche