
En augmentation au cours de la décennie passée (+22,3 % par an), le nombre de sepsis graves est une des principales causes de décès aux Etats-Unis, emportant dans la tombe plus du quart des patients, malgré un taux de mortalité à la baisse au cours des sepsis graves.
Alors que 28 à 49 % des hospitalisations pour sepsis graves sont dites à culture négative (SGCN), il existe peu de données sur leur épidémiologie et leur pronostic vital.
Afin de combler ces lacunes, des auteurs américains ont déterré rétrospectivement dans la Nationwide Inpatient Sample de 2000 à 2010 (soit un échantillonnage stratifié de 20 % de l’ensemble des hôpitaux américains) les dossiers des patients hospitalisés pour sepsis grave sans documentation bactériologique, ont étudié leur proportion parmi les hospitalisations, leur taux de mortalité et recherché une éventuelle association avec ladite mortalité.
Plus de défaillances d’organe et plus de mortalité
Parmi les 6 843 279 adultes hospitalisés pour un sepsis grave, 3 226 406 (47,1 %) avaient des cultures négatives (âge moyen 66,6 ans vs 64,8 ans chez ceux à cultures positives). Leur proportion ajustée avec l’âge s’est accrue régulièrement de 33,9 % en 2000 à 43,5 % en 2010 (P < 0,001), soit une augmentation moyenne annuelle de +28,1 %. Ce groupe présentait plus de comorbidités, de défaillances aiguës d’organes (27,0 % vs 23,1 % avec plus de 3 défaillances d’organes ; P < 0,001), et une plus forte mortalité hospitalière (34,6 % vs 22,7 %; P < 0,001), avec toutefois moins d’insuffisance rénale aiguë nécessitant l’épuration extra-rénale (5,3 % vs 6,1 %; P < 0,001).
La plus grande proportion de SGCN a été retrouvée aux deux extrêmes de la vie (moins de 1 an et plus de 70 ans), chez les patients blancs et ceux admis dans des hôpitaux non universitaires (55 % vs 50,6 % ; P <0,001).
De plus, le SGCN s’est avérée être un facteur prédictif indépendant de mortalité (Odds ratio 1,75 ; intervalle de confiance à 95 % : 1,72-1,77) avec 75 % de risque de décès supplémentaire par rapport aux infections documentées.
Science fiction ou fiction de la science ?
Cette étude gigantesque pourrait se voir opposer sa définition de cas uniquement basée sur le codage dans la CIM 9 et non sur la négativité des recherches par RT-PCR, plus récentes, avec donc un risque de surestimation du nombre des SGCN.
Néanmoins, et c’est très inquiétant pour l’avenir, force est de constater que la preuve de l’infection fait défaut chez presque la moitié des patients hospitalisés pour sepsis grave aux Etats-Unis en dépit des progrès des techniques de laboratoire, que cette proportion va croissant, que cette lacune est associée à une plus grande proportion de défaillances aiguës d’organes et qu’elle constitue un facteur prédictif indépendant de mortalité.
Peut-on incriminer l’usage inconsidéré des antibiotiques pré-hospitaliers en médecine humaine ou vétérinaire qui décapitent les cultures, une plus grande proportion de germes fastidieux ou de virus ou de champignons en cause ou des SIRS confondus avec des infections ? Et qu’en est-il en France ?
Dr Bernard-Alex Gaüzère