
Paris, le mercredi 11 janvier 2017 – Nous évoquions hier comment plusieurs services d’urgences avaient dû depuis le début de l’année déclencher leur plan blanc pour faire face à un afflux de patients parfois difficilement surmontable. Cette situation ne concerne pas seulement quelques cas isolés, mais reflète un malaise général qui touche l’ensemble des urgences françaises. L’épidémie de grippe, qui connaît par rapport à l’année dernière une virulence particulière, affaiblit en effet encore plus des services qui sont nombreux à faire face à des pénuries d’effectif. « Les seniors sont touchés de manière plus importante que les années précédentes, il y a 20 % de plus de gens de cette classe d’âges touchés que ce qui était attendu » relève ainsi l’Institut de recherche pour la valorisation des données de santé (IRSAN).
La prépondérance de sujets âgés parmi les victimes de la grippe nécessite de plus de libérer des lits : or, identifier des lits libres, "acceptant" des patients de ce type, fait partie de l’une des principales difficultés des services d’urgences.
Des embouteillages généralisés
Ce ne sont pas les syndicats qui seuls ont sonné l’alerte, mais le ministre, lui-même, a dénoncé les difficultés. « Les services sont aux limites de leur capacité » a ainsi décrit Marisol Touraine, qui la semaine dernière affirmait que les hôpitaux disposaient des ressources nécessaires pour répondre à l’augmentation des consultations. Cent quarante-deux hôpitaux (sur 850) ont en effet fait état de situations de tensions. Aussi, le ministre appelle-t-elle ce matin les établissements publics comme privés à déprogrammer certaines interventions, afin de permettre l’accueil des patients atteints de la grippe. Le ministre a cependant tenu à insister sur le fait qu’elle n’était pas « inquiète » quant aux capacités des établissements de faire face à la situation.
Sur le terrain, les spécialistes se font écho de ce panorama général, avec davantage de colère. Ainsi, alors que l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a activé le niveau 3 de son plan Hôpital en tension, le président de SAMU-Urgences de France, François Braun indique : « Certains hôpitaux sont tellement surchargés que les ambulanciers ne peuvent même plus décharger leurs patients, la situation est extrêmement critique ».
Une grippe prévisible et les urgences saturent
Mais pour un grand nombre de ces médecins, l’ampleur de l’épidémie de grippe actuelle ne peut être considérée comme une excuse suffisante pour accepter les difficultés des services d’urgence. « Notre système est tellement sous tension qu’il est incapable de gérer une hausse d’activité liée à une épidémie de grippe tout à fait prévisible, comme il s’en produit tous les quatre à cinq ans », déplore ainsi cité par le Monde, Christophe Prudhomme, de la CGT Santé, se faisant effectivement l’écho de déclarations similaires entendues les années précédentes dans la bouche d’autres responsables syndicaux à propos d’épidémies de bronchiolite ou de grippe. Certains médecins urgentistes déplorent par ailleurs l’inutilité voire l’hypocrisie du déclenchement des plans blanc et autres dispositifs de ce type. Les renforts promis par le biais de ces programmes sont en effet parfois inexistants. A Toulon, par exemple, Vincent Carret (responsable local de l’Association des médecins urgentistes de France) assure n’avoir pas reçu les soutiens promis par l’Agence régionale de Santé (ARS). Les difficultés des autorités à répondre aux besoins des services s’expliquent notamment par une pénurie d’effectifs, surtout dans les zones isolées. La spécialité de médecine d’urgence continue en effet à souffrir d’un manque d’attractivité : les mesures récemment adoptées, concernant en particulier le temps de travail, n’ont pas été suffisantes pour entraîner l’élan espéré. C’est une refonte en profondeur des urgences qui serait sans doute nécessaire pour éviter ces épisodes de tension il est vrai prévisibles et répétés.
Aurélie Haroche