Marwa : les médecins demandent aux juges de ne pas les contraindre à l’acharnement thérapeutique

Marseille, le mercredi 1er février 2017 – Depuis le 25 septembre dernier, foudroyée par un entérovirus rare, Marwa, âgée d’un an est hospitalisée à la Timone à Marseille. Le pronostic est très sombre : ses lésions neurologiques sont irréversibles. Aussi, l’équipe a-t-elle entamé une procédure d’arrêt des soins, considérant que la prise en charge de la petite fille relevait de l’acharnement thérapeutique. La famille a été informée de cette décision et s’y est opposée. Elle a engagé un recours devant le tribunal administratif pour empêcher l’arrêt des soins. Les magistrats ont souhaité qu’une nouvelle expertise soit réalisée. Les conclusions sont conformes aux observations des médecins de la Timone. L’enfant sera « incapable de faire des gestes de la vie courante et de pouvoir se déplacer même en fauteuil électrique ». Elle demeurera en outre dépendante d’une « suppléance respiratoire », ont écrit les experts il y a quelques semaines. Ces derniers cependant se refusaient de trancher le dilemme éthique en présence. Ils signalaient néanmoins la difficulté d’évaluer « la douleur et l’inconfort » de la petite fille.

Le risque d’acharnement thérapeutique ne fait aucun doute

Quelques jours après avoir reçu les conclusions de ces spécialistes, les juges entendaient ce lundi les parents et les praticiens de l’Assistance publique/hôpitaux de Marseille. En l’absence de leur avocate, les parents de Marwa ont exprimé à la barre leur conviction que leur petite fille est une battante et souhaite rester en vie. Le père a réaffirmé, comme il l’a déjà fait à de nombreuses reprises sur les réseaux sociaux, qu’à ses yeux, les mouvements de l’enfant considérés comme de simples réponses réflexes par les praticiens, ont une véritable signification. De l’autre côté, les médecins de l’AP-HM ont tout d’abord insisté sur le fait que le protocole d’arrêt des soins avait été réalisé en parfaite conformité avec les réglementations en vigueur (notamment la loi Leonetti). Surtout ils ont insisté sur le fait que l’arrêt des soins s’imposait en raison du risque d’acharnement thérapeutique dont pourrait être victime la petite fille. « Tous les critères de l’obstination déraisonnable sont réunis ici : l’inutilité des soins, leur disproportion, le maintien artificiel de la vie » a énuméré l’avocat de l’équipe de la Timone, Maître Olivier Grimaldi. Ce dernier a ainsi soutenu qu’empêcher l’arrêt de soins conduira les praticiens à réaliser des actes contraires à leur éthique dans une telle situation, en raison des risques de souffrances vaines pour la fillette (telles une trachéotomie ou une gastrostomie).

Les limites de la loi, voire celles de la justice

Après avoir entendu ces différentes argumentations, les juges ont mis leur décision en délibéré.

Leur tâche est extrêmement complexe. L’interprétation stricte de la loi paraît plaider en faveur d’une confirmation de l’arrêt des soins. La loi Leonetti n’oblige en effet nullement l’accord de la famille pour la prise d’une telle décision, même dans le cas d’un aussi jeune enfant. Cependant, "décider" de la mort de cette petite fille contre l’avis de ses parents pourrait être un choix particulièrement complexe pour ces magistrats. « Ce ne sera plus une décision de justice mais une décision humaine » a d’ailleurs déjà prévenu Maître Olivier Grimaldi. L’affaire, comme dans le cas (encore plus délicat) de Vincent Lambert met en lumière les limites de la loi.

Quel poids pourrait-elle accorder aux familles, sans risquer que l’individu ne devienne le prisonnier de passions éventuellement contraires à son bien être ? A quoi doit répondre d’abord la justice dans un tel cas ? Quelle part d’humanité doit-elle préserver, à quelle souffrance doit-elle répondre en premier ?

Ces dilemmes sont inextricables.

Aurélie Haroche

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