Comme dans de nombreuses autres pathologies, la survie des malades atteints d’un cancer du poumon dépend pour partie des facilités d’accès aux soins et du niveau socio-économique. Afin de mesurer l’importance de ces facteurs dans notre environnement sanitaire, des pneumologues et des épidémiologistes ont examiné les déterminants du diagnostic tardif du cancer du poumon en France dans le cadre de l’étude Territoire.
En 2011, tous les patients de la base de données hospitalière (PMSI) ayant un premier diagnostic de cancer du poumon ont été inclus dans une enquête. Les données démographiques et les comorbidités ont été notées et le lieu de domicile des malades a permis une classification selon la zone de densité urbaine, de défaveur sociale, d’accès à un médecin généraliste et de densité en pneumologues.
Sur l’année étudiée, on a découvert un cancer du poumon chez 41 015 patients (72 % d’hommes), d’âge moyen de 66,4 ans. Au moment du diagnostic, 53 % des malades étaient déjà porteurs de métastases. Ce taux est significativement plus élevé dans les hôpitaux publics (56,1 %) par rapport aux cliniques privées (42,9 %) (p < 0,0001). Le diagnostic au stade métastatique est également plus fréquent dans les centres hospitaliers généraux (60,2 %) en comparaison avec les centres hospitaliers universitaires (49,6 %) (p < 0,0001).
En analyse multivariée, la présence de métastases est associée à un âge inférieur à 55 ans (Odds Ratio [OR] = 1,22 ; p < 0,0001), à une densité faible en pneumologues (selon le seuil de plus ou moins de 5 pneumologues pour 100 000 habitants) avec un OR de 1,13 (p = 0,004), à la ruralité (OR = 1,07 ; p = 0,004) et à la défaveur sociale (OR = 1,06 ; p = 0,01).
Les patients admis en urgence (n = 8 413 soit 21 % du groupe) sont plus souvent métastatiques au moment du diagnostic (68,1 %). L’analyse multivariée montre que le taux d’admission par les urgences est plus élevé dans les zones défavorisées et rurales (OR = 1,44 et de 1,25 respectivement), avec un accès faible aux médecins généralistes ou aux pneumologues (OR de 1,15 et de 1,24 respectivement) avec un p < 0,0001 pout toutes les comparaisons.
Ces résultats confirment qu’en France le diagnostic du cancer du poumon à un stade avancé est significativement lié à l’environnement social, économique et à la densité médicale (notamment en pneumologues). L’organisation de filière de soins au niveau territorial devrait aider à réduire ces inégalités face au diagnostic.
Dr Béatrice Jourdain