L' attaque chimique en Syrie pourrait en cacher plusieurs autres

Paris, le mercredi 5 avril 2017 – Le bilan continue à s’alourdir. Les dernières informations font état de cent personnes tuées hier par une très probable attaque chimique à Khan Cheikhoum, petite ville de la province d’Idlib (nord-ouest de la Syrie) située en zone rebelle. Quatre cent autres sont victimes d’intoxication. Bien qu’une légère incertitude continue à subsister, les pays occidentaux ont peu de doute sur l’origine de cette attaque : le pouvoir de Bachar Al-Assad est constamment désigné par les pays occidentaux. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres conserve, lui,  une certaine réserve. « Ces événements horribles montrent malheureusement que des crimes de guerre continuent en Syrie et que le droit humanitaire est violé fréquemment » a-t-il déclaré ce matin.

Quant aux Russes ils proposent une autre version de cette attaque indiquant que l'aviation syrienne a bombardé un atelier rebelle de fabrication de bombes qui aurait conduit à la dissémination dans l'atmosphère de substances toxiques.

Des secours pas assez équipés

Concernant le type de gaz utilisé, plusieurs sources évoquent le sarin, même si l’information n’est pas confirmée, comme l’a précisé l’ambassadeur britannique à l’ONU, Matthew Rycroft. Si l’armée syrienne a démenti l’utilisation d’armes chimiques à Khan Cheikhoum, les symptômes rapportés par les médecins présents sur place concordent avec la présence d’un neurotoxique. « Nous avons découvert des corps sans vie allongés sur le sol, il y avait des blessés partout, certains vomissaient, d’autres suffoquaient, ils avaient de la mousse dans la bouche. Nous les avons aspergés d’eau pour essayer de les réanimer avant de les amener à l’hôpital » a ainsi témoigné un casque blanc interrogé par France Info. « Nous avons porté assistance à plus de  200 personnes en situation de détresse respiratoire à des degrés divers. Il faut dans ces cas-là intervenir le plus rapidement possible ; ce qui a été compliqué à cause de la panique dans les rues, et décontaminer les victimes avec de l’eau, les ventiler, nettoyer les vêtements… Malheureusement, les premiers secours n’étaient pas assez équipés » a de son côté témoigné Radi Saad, membre de la défense civile, interrogé par Le Monde.

Les hôpitaux pris pour cible

Cette attaque chimique a été suivie du bombardement quelques heures plus tard d’un centre qui servait de morgue improvisée et de l’hôpital Al-Rhama de Khan Cheikhoum. L’utilisation des centres de santé comme cible est constante depuis plusieurs mois, comme le déplore très régulièrement Médecins sans frontières (MSF).

Dans un de ses derniers communiqués, l’organisation rappelle qu’en 2016, elle a recensé « au moins 71 attaques sur 32 structures de soins gérées ou soutenues » par ses soins en Syrie. L’utilisation d’armes chimiques lors de ces bombardements visant les hôpitaux est par ailleurs également suspectée. Ainsi, vendredi MSF indiquait que l’hôpital de Latamneh (« situé à quelques kilomètres de la ligne de front ») a été visée par une bombe tombée le 25 mars vers 18h. « Juste après l’impact, ces personnes ont présenté des symptômes concordant avec les conséquences d’une attaque chimique : difficultés respiratoires aiguës et brûlures au niveau des muqueuses » précise MSF.

L’Etat islamique également intéressée par les armes chimiques

Après avoir admis posséder des armes chimiques en juillet 2012, le régime de Damas s’est rendu coupable d’une attaque au gaz sarin près de la capitale le 21 août 2013 (qui aurait fait au moins 1 429 morts), tandis que l’utilisation répétée du chlore a été confirmée par les enquêtes de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Bien qu’étant censé avoir détruit son arsenal chimique, Damas est suspecté d’être à l’origine de plusieurs attaques de ce type ces deux dernières années. Au début du mois de mars, l’OIAC a ainsi indiqué enquêter sur huit attaques présumées au gaz toxique perpétrées depuis début 2017 en Syrie.

Toutes pourraient cependant ne pas être attribuées au régime de Bachar Al-Assad. Dans un précédent rapport, le Conseil de sécurité de l’ONU avait indiqué que sur neuf attaques chimiques présumées, trois pouvaient être imputées de manière assurée à Damas et au moins une, utilisant du gaz moutarde, à l’Etat islamique.

Un texte de résolution soumis par Washington, Paris et Londres, condamnant l’attaque du 4 avril et appelant à une enquête rapide doit être soumis au vote du Conseil de sécurité aujourd’hui.

Aurélie Haroche

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